P.-E. Taittinger (Champagne Taittinger) : rejoindre une entreprise familiale

David Abiker

Chaque semaine, David Abiker parle "entretien d’embauche" avec une personnalité. Le président de la grande maison Champagne Taittinger, petit-fils du fondateur Pierre Taittinger, nous donne les clés de l'entreprise familiale.

Pierre-Emmanuel Taittinger... sur le Bloc Notes de David Abiker

- Sincère

- Simple

- Désintéressé

- Patriote

Impression générale

« Postuler dans une entreprise familiale, c'est avoir le goût de servir une famille », nous explique Pierre-Emmanuel Taittinger, Président des champagnes Taittinger. Au XXIe siècle le concept peut paraître un peu désuet, mais il a du sens. Pierre-Emmanuel considère le nom de sa famille comme un élément du capital. Servir la famille ce n'est donc pas le servir lui, mais rejoindre une "aventure entrepreneuriale" plus que centenaire. Il faut une dose de religiosité pour en avoir la vocation, ça tombe bien, Pierre-Emmanuel ne nie pas la dimension jésuitique de son management. Et quand on lui demande pourquoi, après la vente du groupe, il n'a pas gentiment profité de son héritage sous une plage des Caraïbes, il répond spontanément "parce que j'aime la France" et je le crois sur parole.

Vous vous demandez comment et selon quelles règles non écrites on postule dans une entreprise familiale ? Pour Pierre-Emmanuel Taittinger, il faut des profils de moines soldats. Pas des godillots, mais des candidats qui n'auront pas le souci de faire carrière, d'intriguer ou de "grenouiller", expression qu'il aime employer. Les moines soldats de Taittinger, auront à coeur de poursuivre l'aventure dans une entreprise de 250 collaborateurs où travaillent déjà son fils Clovis et sa fille Vitalie. Ces deux-là l'ont rejoint dès qu'il a racheté aux Américains les champagnes vendus un an plus tôt.

Dès lors, quelle est l'ambiance de travail quand se mélangent dans l'entreprise des membres de la famille et des collaborateurs recrutés "au tour extérieur", quel est le climat quand les postes de direction sont occupés entre autres par les héritiers ? Pierre-Emmanuel balaie cette amorce de critique. Chez Taittinger il existe un principe d'égalité qui veut que la prime annuelle est la même pour tous, de la femme de ménage au directeur général, lequel d'ailleurs n'est pas un Taittinger. Ses enfants sont astreints aux mêmes exigences et, s'ils étaient mauvais, le conseil d'administration l'admettrait difficilement car ils sont responsables d'un chiffre d'affaires.

Taittinger recrute non seulement des moines-soldats, mais également des personnes à la fibre littéraire et des gens à l'ambition mesurée. Il déteste ces candidats égarés "dont les dents rayent le parquet". Chez Taittinger, il n'y a d'ambition que pour la marque. A l'écouter on a le sentiment que nous ne sommes que de passage, que seule l'entreprise restera, voilà pourquoi il se voit comme un animateur, voilà pourquoi il avoue volontiers qu'il aurait aimé être un grand financier, un danseur ou un écrivain. Il y a quelque chose de détaché chez cet homme qui le rend évidemment attachant.

David Abiker
David Abiker

David Abiker a animé l'émission « On revient vers vous » diffusée sur Cadremploi.fr entre 2009 et 2013. Auparavant, il a été DRH, puis a travaillé dans la communication et la formation avant de signer plusieurs essais et romans. Il est désormais journaliste et chroniqueur radio, TV et presse.

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