Julia de Funès : « Le but de la vie, c'est la vie et plus du tout le travail »

Sylvia Di Pasquale

VIDEO- Où en sommes-nous de notre rapport au travail ? C'est la question que le media BRUT a posé à la philosophe Julia De Funès. Dans sa réponse, elle explique la transformation du rapport au sens du travail à l'œuvre dans nos sociétés.

Pour Julia de Funès, notre rapport au travail a complètement changé. Considérer le travail comme un moyen d'épanouissement et non comme une finalité (travailler pour travailler), lui donne à nouveau tout son sens.

Julia de Funès : « Le but de la vie, c'est la vie et plus du tout le travail »
Pour Julia de Funès, notre rapport au travail a complètement changé. Considérer le travail comme un moyen d'épanouissement et non comme une finalité (travailler pour travailler), lui donne à nouveau tout son sens.

Voir l'interview de Julia de Funès sur Brut

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Les jeunes sont-ils des "fainéants" ?

C'est un jugement moral souvent lu sur les réseaux sociaux et contre lequel Julia de Funès s'inscrit en faux :

Ce n'est pas parce qu'on a un nouveau rapport au sens du travail qu'on travaille nécessairement moins ou moins bien.
Julia de Funès

Les jeunes n'ont-ils pas tout simplement envie de moins travailler pour faire autre chose de leur vie ?

La philosophe approuve et estime que c'est "tout à fait louable. Le travail ne peut plus être pensé comme une valeur morale en tant que telle. Qui a envie de travailler plus ? Même s'il existe des métiers qui permettent un accomplissement et qui, pour certaines personnes, sont le sens de leur vie..."

La philosophe constate qu'aujourd'hui, "on re-déplace le travail, on en fait un moyen et que le but de la vie, c'est vraiment la vie et plus du tout le travail."

Choisissez un travail que vous aimez et vous n'aurez pas à travailler un seul jour de votre vie.
Confucius

Gouverner des gens qui ne veulent plus travailler, est-ce plus difficile ?

" Ce n'est pas moins produire que les gens veulent. Un pays ne peut pas se passer de travail. Mais ils veulent travailler mieux en produisant moins. La semaine de 4 jours est à ce titre un bon exemple. Tout l'enjeu est qu'on travaille le moins de temps possible mais plus efficacement."

Est-ce que la "quête de sens" ne concerne pas surtout les CSP+ ?

Pas seulement, estime Julia de Funès. Pour elle, "plus le métier est difficile, pénible, simple, plus le sens est immédiat. On va à l'usine pour nourrir ses enfants et avoir un salaire. D'ailleurs, on assiste à un phénomène intéressant : beaucoup de gens ayant de très beaux métiers, de belles formations, de belles rémunérations,... quittent tout pour un métier manuel ou relationnel. Des métiers concrets où on voit immédiatement, le sens, la finalité de manière tangible de ce qu'on est en train d'entreprendre. Donc aujourd'hui, les métiers qui font le plus sens sont les métiers qui ont vraiment de la matière. La technicisation des tâches et des métiers font que parfois, les métiers les plus intellectuels ou abstraits créent une souffrance liée à l'absence de sens. C'est tellement technique qu'on ne voit plus la finalité de ce que font les gens."

Et de prendre l'exemple du "coordinateur de flux transverses " qu'elle a rencontré : "Ce n'est pas un métier manuel, c'est très abstrait et c'est tellement technique qu'on ne voit plus à quoi correspond ce type de métier."

Considérer le travail comme un moyen et non une fin lui redonne paradoxalement tout son sens;

Comment envisagez-vous le futur de notre rapport au travail ?

"Je n'en sais rien, relativise la philosophe, mais on sent comme une force qui va vers plus de libération et qui touche toute notre société."

Elle ne touche pas seulement le travail, mais aussi la santé ("on s'auto-médicamente beaucoup plus"), la politique ("les mouvements politiques s'auto-instituent"), l'école ("ce n'est plus l'autorité du maître qui compte, c'est la psychologie de l'enfant"), les auto-entrepreneurs, etc.

"Un mouvement d'individualisation et d'autonomisation qui devient très fort et contre lequel il est vain, à mon sens de lutter."

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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