La mythique marque de lingerie, ressuscitée par Alain Prost il y a seulement deux ans, recrutera de nouveau cette année. Pour garder son savoir-faire en France, le PDG de la Maison Lejaby parie sur le luxe, l’anti-taylorisme et les hiérarchies simplifiées.
Ce n’est pas le quadruple champion du monde de F1. Mais, comme son homonyme, il va lui aussi très vite. Lorsqu’Alain Prost a repris Lejaby en 2012, la vénérable maison de lingerie était exsangue après avoir traversé 8 plans sociaux. Deux ans plus tard, l’entreprise affiche une croissance de 15%, fabrique une de ses gammes – celle de sa luxueuse collection haute couture – intégralement dans l’Hexagone et a recommencé à recruter.
Fini le taylorisme, vive la polyvalence
La recette de cet ex de l’Oréal ? Avoir choisi le luxe, tourné le dos au taylorisme et aplani les lignes hiérarchiques. Peut-être le cocktail réussi d’un made in France tant convoité. Le luxe chez Alain Prost est une idée fixe. Ses dessous sont à nouveau en vente dans les plus grands magasins, d’Harrods à Londres, en passant par aux Galeries Lafayette à Paris, son chiffre d’affaires a progressé de 20 à 28 millions d’euros et il s’apprête à recruter une dizaine de salariés. « La France possède une excellente réputation de luxe pour les vêtements, pas pour la lingerie ». Il a préempté cette niche avec une souplesse de start-up. « Les salariés des ateliers sont désormais formés pour être polyvalents. Ils doivent être capables de créer des prototypes, de travailler en production, de réaliser des maillots de bain comme de la lingerie. »
Un patron hyper-présent
A cette polyvalence façon jeune pousse, il a ajouté une autre spécificité de la nouvelle économie : chez Maison Lejaby, les niveaux hiérarchiques sont réduits à leur plus simple expression. « Avant, il y en avait 3 ou 4. Aujourd’hui nous nous contentons d’un seul. C’est largement suffisant pour une PME de 200 personnes. » Alain Prost se rend disponible « dans tous les services où l’on a besoin de moi. » Mais comme il ne peut être partout, il s’appuie au quotidien sur sa garde rapprochée : « ils sont quatre, des gens qui y croient, mouillent la chemise, font confiance aux gens et montrent l’exemple. » Une manière de faire et une progression du chiffre d’affaires qui plaisent aux jeunes. Sauf que, dans les écoles, le savoir-faire s’est perdu, faute d’emplois, avec les délocalisations. Alors, de la même manière qu’il a remobilisé ses salariés qui avaient perdu confiance en eux et en leurs patrons successifs au fil des plans sociaux, le président de la Maison Lejaby s’en est allé remotiver le seul lycée technique spécialisé dans son domaine. Une dizaine d’apprentis se formeront chez lui.
Des recrutements au compte-goutte
Des recrutements vitaux afin d’éviter que les savoir-faire ne partent avec leurs détenteurs au moment de leur départ en retraite (la moyenne d’âge dépasse les 50 ans dans les ateliers). Mais la Maison Lejaby recrute-t-elle pour d’autres métiers, par exemple pour accompagner la création de son site web ou sa présence sur les réseaux sociaux ? « Pour le moment, nous n’en avons pas les moyens et préférons travailler avec des prestataires extérieurs. Mais si tout se passe bien, j’espère pouvoir intégrer ce type de métiers un jour. En revanche, nous recrutons pour nos métiers du retail, des gestionnaires de magasins notamment. »
Et si Alain Prost accepte les jeunes comme les seniors (sa directrice de collection a 61 ans), il n’y a qu’une chose qui le freine. C’est le mot « délocalisation ». Pour lui, comme pour ses équipes, le mot est banni du vocabulaire de l’entreprise.
Par Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr
Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.