Plutôt impresario pour seniors qu'agence d'intérim. Voilà un distinguo qui n'est pas qu'une simple coquetterie. Car les retraités que Caroline Young met à la disposition des entreprises sont des experts scientifiques ou techniques de haut niveau, parfaitement opérationnels, malgré une touche poivre et sel. « Et qu'on ne peut pas faire travailler sur un thème ou dans une entreprise qui les ennuient. » Alors, la présidente d'Experconnect chouchoute ses 480 seniors à qui elle confie les missions commandées par des entreprises. D'autant que l'argent est loin d'être la seule motivation de ses poulains. « Ils veulent surtout transmettre et continuer à jouer un rôle social. »
L'existence même de sa drôle de société semble paradoxale à l'époque où le chômage des plus de 55 ans a poussé le gouvernement à légiférer. « Pas paradoxale, plutôt normale. C'est aussi parce que les entreprises se sont débarrassées de leurs seniors, via les plans de pré-retraite notamment, qu'elles font appel à nous. Avant de partir, ces derniers n'ont pas pu, ou pas voulu passer le relais, ni transmettre leur savoir aux plus jeunes. » Parfois aussi, cette expertise détenue par les papyboomers est introuvable chez les générations actuelles. « C'est le cas dans le nucléaire, l'aérospatial et le ferroviaire qui souffrent d'une pénurie de profils d'experts. La preuve que nos retraités ne prennent pas les emplois des séniors ou des jeunes. »
Concurrence sénior - retraités
Une aubaine pour les retraités qui trouvent donc le moyen de rester au contact de la vie active, mais aussi, d'augmenter leurs revenus. « La plupart travaillent au maximum 60 jours par an et maintiennent ainsi leur ancien salaire en cumulant leur pension et les honoraires que nous leur versons à chacune de leur mission. » Environ 30 000 ex-salariés désormais retraités cumuleraient ainsi honoraires et retraite dans l'Hexagone selon les évaluations du Régime social des indépendants. Et ils pourraient être beaucoup plus nombreux dans quelques années. « Logique. Aujourd'hui, la retraite dure 26 ans en moyenne. Mais demain, elle pourrait durer 35 ou 40 ans. On ne peut pas rester inactif pendant quatre décennies. » Une volonté de reprendre une activité qui touche surtout les hommes. Sur les 480 seniors de sa dream team, Caroline Young ne compte que 10 femmes. Normal, « sur ces générations, il y a peu de femmes scientifiques ». Mais elle évoque aussi une autre raison : « Ces messieurs sont plus monotâches. Pendant leur vie active, ils pensent avant tout à leur travail. Une fois à la retraite, ils ont tendance à s'ennuyer. » Alors que les femmes n'ont jamais eu de mal à s'occuper.
Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.