Emmanuelle Capiez (Assystem) : "Les femmes ingénieurs sont plus fidèles que les hommes"

Sylvia Di Pasquale

Elle rêvait d’intégrer davantage de femmes ingénieurs dans une boite à 80% masculine. Trois ans après le lancement d’actions volontaristes pour les recruter et les promouvoir, la DRH d’Assystem fait le bilan de ses avancées.

La Journée internationale de la femme, c’est le 8 mars prochain. Mais l’omniprésence masculine dans certains secteurs économiques et dans certains métiers, c’est tous les jours. Comme chez Assystem, où les femmes ne représentent qu’un cinquième des onze mille salariés de ce spécialiste en ingénierie et conseil en innovation pour l’industrie.  « Nous sommes tout de même en progrès, rétorque Emmanuelle Capiez, sa DRH, qui a pour « ambition » d’attirer davantage de candidatures féminines. Nous sommes passés de 20 % à 28 % de femmes recrutées en 3 ans.»

Démontrer plutôt que sanctionner

Des progrès ténus mais son manque d’énergie est loin d’être en cause. Face au mur des conventions et des ratés de l’éducation, « il faut démontrer pour faire bouger les mentalités, surtout pas sanctionner », conseille-t-elle. Par exemple, en « donnant de la visibilité à nos success stories de femmes ingénieurs afin de donner des modèles aux plus jeunes », ou par la mise en place de binômes « où un mentor expérimenté (la plupart sont des hommes) coache une ingénieure». Et le premier s’aperçoit bien vite qu’une femme « est un ingénieur comme un autre mais avec plus souvent des qualités de coopération et de communication innées. Tout à fait ce qu’attend la jeune génération d’un manager d’équipe. »

Pénurie vs machisme

Chez Assystem cependant, la pénurie semble être un frein à la féminisation plus puissant que le machisme : « Dans les écoles d’ingénieurs qui nous intéressent, il n’y a que 18% de femmes », contre 28% en moyenne dans les écoles d’ingénieurs françaises. « Donc c’est encore plus difficile pour nous. Trop peu de diplômées se dirigent vers les métiers de l’ingénierie et les métiers techniques en général. »  Ne faut-il pas évangéliser dès le lycée, dans les terminales S où l’on compte 46% de filles ? Autant de scientifiques qui disparaissent dans les limbes une fois le bac en poche, plutôt que de prendre la voie de l’ingénierie. « Nous commençons à mener des actions dans les lycées avec d’autres entreprises pour encourager les vocations chez les lycéennes. »

« Nous avons des dissidents… »

Une voie qui pourrait s’avérer royale pour elles. Car chez Assystem, on aime les femmes, et on leur réserverait bien encore plus de 28% des 1500 postes qui doivent être pourvus cette année en France. Mais une question se pose : face à cette pénurie systémique, est-ce utile d’imposer des objectifs de recrutement de femmes aux managers d’Assystem ? « Oui, ça aide. Ça permet d’afficher une ambition et de dire à nos managers qu’ils en sont les principaux acteurs. » Et ça lève des freins : « Bien sûr, nous avons encore des dissidents… Mais on s’en occupe ! », sourit la DRH. Une fois embauchées, ces femmes sont chouchoutées et intégrées, si elles le souhaitent, dans le « Réseau femmes d’énergie ». Un club conçu rien que pour elles et qui rassemble aujourd’hui 300 femmes mais aussi quelques hommes. De quoi développer leurs compétences et leur permettre de prendre de l’assurance. Ce qu’elles semblent apprécier puisque « notre turnover est de 10% chez les femmes contre 15% pour l’ensemble. Elles sont donc plus fidèles  à l’entreprise. » Avant d’aller, un jour, affronter seules un autre univers d’hommes. Et répandre la bonne parole.

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Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr

Tags : Parité
Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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