Recrutement des commerciaux : le grand paradoxe

Sylvia Di Pasquale

Les entreprises font la fine bouche et recherchent des commerciaux de plus en plus pointus. Résultat : 20 000 postes restent vacants alors qu'environ 50 000 professionnels sont au chômage.

Pour une exploration poussée de la planète commerciale, autant suivre le meilleur guide. Et Francis Petel, qui dirige l'Observatoire permanent de la fonction commerciale, est sans aucun doute le coureur de piste le plus aguerri dans cet environnement complexe. Combien sont les habitants de cette contrée ? Aucun chiffre précis n'est disponible pour les recenser. Alors, il tente l'estimation « aux alentours de 800 000, sans compter la vente à distance et les centres d'appels. Ce qui est certain, c'est qu'il n'y en a jamais eu autant. »

Et les embauches vont bon train, du moins jusqu'au mois de juin dernier, date à laquelle l'Observatoire piloté par Francis Petel pour les Dirigeants commerciaux de France (DCF) a interrogé les entreprises pour leur demander si elles comptaient recruter des commerciaux.

Il n'y a jamais eu autant de commerciaux

Bonne nouvelle : 60% de celles qui comptent plus de 50 personnes dans leurs effectifs ont acquiescé. « Mais le phénomène touche toutes les entreprises, même les très petites. » Mieux, ces recrutements ne sont pas forcément liés à la croissance du chiffre d'affaires puisqu'un employeur sur cinq embauche des commerciaux alors que son compte d'exploitation ne progresse pas.

Le commercial devient donc un être rare et courtisé, et selon les diverses estimations des DCF, 20 000 postes resteraient actuellement vacants. Une pénurie qui n'empêche pas les entreprises de se montrer très sélectives dans leurs recrutements. « Cela peut paraître paradoxal, d'autant que l'on compte environ 50 000 commerciaux au chômage, mais c'est finalement assez logique. Lorsque l'on recrute un commercial, on veut le meilleur. On ne décide pas seulement grâce à des critères de compétences objectifs comme pour un comptable. Du coup, c'est long et difficile ».

Une sélectivité qui explique, en partie, le niveau de diplôme moyen des nouveaux commerciaux. Car les profils bac + 2 semblent délaissés au profit des bac +3 ou 4. « Même si les recruteurs nous disent qu'ils jugent le profil plutôt que le diplôme. On s'aperçoit que, lorsqu'ils reçoivent 200 CV, c'est le diplôme qui prime au cours de la première sélection. Et le profil n'est pris en compte qu'en short list. »

Diplôme indispensable

Résultat : 80% des managers commerciaux de moins de 30 ans ont un niveau d'études dépassant les trois années après le bac. La fin de brillantes carrières pour les autodidactes, les commerciaux-nés plutôt que devenus ? « Inévitablement. Car on demande aux candidats d'être tout à la fois. De posséder ces fameuses qualités commerciales innées, mais aussi d'avoir le bon diplôme, d'être organisés, d'avoir des compétences en marketing. » Et plus tard, pour évoluer dans l'entreprise, ils devront, en plus, faire preuve d'un véritable sens du management. « Car c'est la seul issue pour grimper les échelons. » Les seniors en savent quelque chose. « C'est très difficile pour eux, s'ils ne sont pas managers. »

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

Vous aimerez aussi :