Zwi Segal (Motiva) : "La motivation : une compétence professionnelle qui se travaille"

Sylvia Di Pasquale

Près de 70 % des salariés dans le monde seraient désengagés. C’est peut-être votre cas. La faute à votre entreprise qui ne sait pas vous motiver ? Pas seulement, répond Zwi Segal, docteur en psychologie et expert des mécanismes de la motivation. Il défend l’idée que chaque collaborateur, en apprenant à mieux identifier ses propres sources de motivation, peut aider son employeur à mieux faire.

Les chefs d’entreprise seraient-ils dans le déni ? Zwi Segal, expert en motivation et co-fondateur du cabinet Motiva, tire la sonnette d’alarme. « Ils savent qu’une minorité seulement de leurs salariés sont vraiment motivés. Mais ne changent ni leur manière de recruter, ni de gérer leurs salariés, ni leurs organisations depuis 30 ans. » Et de citer Albert Einstein : « C’est pure folie de refaire sans arrêt la même chose et d’en attendre des résultats différents. »

Un salarié satisfait n’est pas forcément motivé

C’est pourtant exactement ce que font la grande majorité des dirigeants, selon le spécialiste de nos états d’âme au bureau. Alors que leurs collaborateurs, eux, ont changé : ils cultivent un sentiment d’injustice sociale, ont peur du présent comme du futur, ont perdu confiance dans les élites et réclament de la reconnaissance. Ils sont aussi en quête d’un travail qui a un sens (« les gens aiment savoir qu’ils ont une activité utile aux autres »), dans lequel ils peuvent se développer. Et parce que tout s’accélère, ils sont aussi en recherche d’instantanéité et de partage, comme sur les réseaux sociaux qu’ils pratiquent assidûment. Pendant que dans la grande majorité des entreprises, tout est toujours ultra hiérarchisé, opaque et dans la lenteur décisionnelle. Les dégâts sont ravageurs : le désengagement toucherait 70 % des salariés dans le monde (étude Gallup 2014) et « coûterait chaque année 9 000 à 10 000 euros par employé sur un salaire moyen annuel » en accident du travail, maladie, absentéisme ou moindre productivité. Et ces désengagés ne sont pas toujours repérables. « Certains gardent le sourire… sans pour autant être engagés. Un salarié peut être satisfait de certains avantages offerts par l’entreprise, comme une salle de gym ou une nouvelle cafétéria,  mais désengagés parce que l’entreprise ne lui offre pas ce qui est important pour lui, par exemple des formations ou être stimulé intellectuellement. »

Motiver individuellement plutôt que collectivement

Les efforts des entreprises aux petits soins pour motiver leurs collaborateurs seraient-ils donc vains ?  « Oui tant qu’elles ne tiendront pas compte du décalage : les entreprises font de plus en plus d’actions collectives. Or les motivations sont de plus en plus individuelles.» La solution ? Idéalement, elle est en amont. « Dans les pays occidentaux, on n’apprend pas à se connaître à l’école. Ni à connaître ses sources de motivation. À Singapour, on l’enseigne en classe de première, au moment de choisir sa voie. » Alors Zwi Segal tente de rattraper le temps perdu et s’occupe aussi des adultes désenchantés. « La motivation est une compétence professionnelle qui se travaille au niveau individuel. » L’entreprise seule ne peut pas faire de miracle. « C’est à l’individu de se responsabiliser. Apprendre à identifier ce qui le motive profondément. Mais l’entreprise peut l’aider en lui fournissant des outils. » Le test qu’il a mis au point chez Motiva aide chacun à identifier son « profil motivationnel ». On y découvre comment sont satisfaits ses « intérêts professionnels » (« acquérir des connaissances », « travailler sa fibre artistique », « être impliqué dans le business », etc. ») et comment se répartissent ses « ressorts clés » de motivation personnelle (« Autonomie », « Avoir une rémunération fixe garantie », «  Sécurité d’emploi », « être aux commandes », etc.) concernant son métier, son poste, son entreprise et ses valeurs.  Les plus insatisfaits sont à traiter en priorité. Ce test permet aussi à chaque manager de mieux comprendre les véritables besoins de son équipe et à la direction des ressources humaines d’avoir une photo précise (mais qui reste anonyme) des besoins satisfaits et insatisfaits. En France, de grandes entreprises de la distribution, la banque ou la fonction publique  l’utilisent.

 

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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