
Frédéric Maron, 41 ans : « Il a fallu 6-8 mois pour qu'une confiance réciproque s'installe »
🟦 Un responsable RH managé par un DAF
Quand son nouveau manager prend ses fonctions de DRH en 2016, Frédéric Maron occupe un poste de responsable RH et encadre 8 collaborateurs. Son N+1 vient des des affaires juridiques, mais, plan de carrière oblige, ce dernier a besoin d’étoffer ses compétences RH (entre autres) car il se verrait bien directeur général adjoint.
Une confiance réciproque bâtie pas-à-pas
« Au moment de sa prise de poste, mon N+1 abordait les sujets au travers de son prisme juridique. Comme il avait besoin de se sécuriser, il vérifiait l’aspect réglementaire de chaque acte. Cela a duré 2-3 mois, le temps qu’il s’approprie le sujet et vérifie la fiabilité des équipes sur cette dimension. Mais il avait par ailleurs un véritable intérêt pour les collaborateurs et pour toutes les facettes du métier RH, en plus d’une grande adaptabilité et d’une grosse capacité de travail. En 6-8 mois, il avait acquis une excellente compréhension des sujets et une confiance réciproque s’est instaurée. Il venait me demander conseils et avis. »
👍🏼 Les avantages
« Mon N+1 a su m'accorder sa confiance sur les sujets qu’il ne maîtrisait pas, et instaurer un bon climat de travail. Il était par ailleurs un très bon manager — que ce soit en terme d’accompagnement, de conseil ou de communication —, avec une véritable volonté de faire progresser ses collaborateurs. Il m’a prodigué de précieux conseils en termes de méthode de travail et de posture. »
👎🏼 Les Inconvénients
Frédéric Maron voit deux inconvénients d’être managé par ce type de manager généraliste :
- Impossible de se rassurer sur des sujets très techniques, « mais il était capable de m’orienter vers les bonnes personnes. »
- La quête de résultats visibles pour favoriser le plan de carrière de son N+1 : « Comme Il avait besoin de progresser, ses actions étaient forcément orientées. »
Tout compte fait
« Pour moi, cette expérience est très positive. J’estime que la compétence technique n’est pas importante chez les cadres qui managent des cadres. Un bon technicien ne fait pas forcément un bon manager. Et c’est même rarement le cas. Son objectif n’est pas de mettre les mains dans le cambouis. C’est peut-être moins vrai quand il s’agit d’équipes techniques. »
Le conseil de Frédéric Maron
« Il faut savoir être pédagogue avec son N+1 : expliquer ce que tu fais, pourquoi, quels sont les enjeux et comment tu le fais. Pour instaurer la confiance, il ne faut surtout pas se dire “De toute façon, il ne comprend rien et c’est tant pis pour lui.” C’est destructeur. »
Cyril*, 51 ans : « L’incompétence de mon N+1 m’a forcé à prendre les rênes »
(*Le prénom a été modifié afin de respecter l’anonymat demandé)
🟦 Un ingénieur commercial managé par un PDG généraliste
Cyril*était responsable commercial dans une entreprise générale du bâtiment. Son N+ 1 venait d’être nommé PDG, un poste dont il héritait dans le cadre d’une transmission familiale, après avoir occupé différentes fonctions support au sein de l’entreprise. « Mais il n’avait ni la connaissance, ni la maîtrise des métiers du bâtiment, que ce soit en termes de techniques, de procédés, de matériel ou d’organisation. »
Incompétence et défiance
« Pendant un an, nous avons appris à nous connaître. Il s’agissait d’une période d’adaptation, à la fois pour mon N+1 qui accédait à un nouveau poste, et pour moi, qui me positionnait dans un nouveau contexte. »
Mais au bout d’un an, Cyril avait surtout fait le tour des défauts de son N+1 : « Mon PDG ne prenait pas les décisions nécessaires, ce qui impactait fortement le carnet de commandes. Il faisait semblant de comprendre mais fuyait les discussions techniques, les réunions de travail techniques et le conflit. Il se réfugiait derrière les équipes, en considérant qu’elles étaient payées pour être compétentes, et devaient donc être capables de se débrouiller. »
Un comportement de fuite doublé d’un autoritarisme délétère : « Quand il était confronté à des sujets compliqués, il jouait de sa position hiérarchique pour clore le débat. Il ne manifestait aucune remise en question ni envie de progression. »
Cyril décide de passer à l’action : « Il m’a alors paru indispensable de reprendre les rênes ; ce que j’ai pu faire avec beaucoup d’autonomie et de liberté, comme s’il s’agissait de mon entreprise. »
Mais au bout de 3 ans, la situation ne s’est pas améliorée : « Notre relation s’est dégradée en raison d’une forte pression mise sur les équipes et d’une réorganisation interne. En plus du manque de connaissance métier, il y avait d’importants problèmes de management. Je suis parti au bout de 4 ans. »
👍🏼 Les avantages selon Cyril
L’autonomie et la prise rapide d’autonomie pour pallier les incompétences de son N+1. « En raison de ce contexte, j’ai rapidement été identifié comme une personne crédible pour prendre des décisions. »
👎🏼 Les inconvénients selon Cyril
« La contrepartie de cette autonomie est d’être entièrement livré à soi-même, puisqu’il n’est pas possible de confronter les visions ni de partager les prises de décision avec son N+1. Cela fonctionne très bien tant que tu fais ce que tu veux, c’est même très gratifiant. Mais c’est lourd à porter en terme de responsabilités : je supportais la charge mentale d’un chef d’entreprise, en me disant que si je ne faisais pas le travail, la boîte allait couler. Au final, tu te demandes pourquoi tu fais ça, et pourquoi tu ne le ferais pas pour ta propre boîte ! »
Le conseil de Cyril
« Si je devais retravailler avec un N+1 qui ne connaît pas mon métier, j’essaierais d’être plus transparent : je communiquerais davantage sur mon agenda, sur mes actions, sur pourquoi je fais telle ou telle chose. L’objectif est vraiment de créer un rapport de confiance. Quand des managers n’ont pas la compétence ou la confiance en eux, il ne faut pas laisser le climat de défiance s’installer. C’est important d’être transparent dans la communication et dans l’échange. Même si cet effort coûte, et même s’il est critiqué. »
Nicolas Iweins, 44 ans : « Nous nous complétions grâce à nos différences métiers »
Un développeur informatique managé par un commercial
En tout début de carrière, Nicolas Iweins occupait un poste de développeur informatique chez Air Liquide. Son N+1 était responsable du service e-business et manageait une équipe d’une quinzaine d’informaticiens sur un projet d’application interne, destinée aux managers des ventes de la maison. Il avait au préalable occupé un poste de responsable des ventes.
Le bénéfice de la confiance
Nicolas Iweins apprécie la répartition des rôles : « Mon N+1 s’occupait de la partie métier — définition des besoins, rédaction du cahier des charges fonctionnel —, et moi de la réalisation technique. Il avait de l’appétence et de l’intérêt pour l’informatique, mais pas de compétences spécifiques. Comme il ne connaissait pas la partie technique, il pratiquait un management par la confiance, en assurant un suivi très régulier des collaborateurs et du projet. »
Et en cas de difficultés techniques ? « Je me tournais vers mes collègues. S’il s’agissait d’une difficulté d’une autre nature, mon manager jouait son rôle de relais : il allait chercher les bonnes informations et nous les communiquait ensuite. C’est également lui qui assurait la formation des futurs utilisateurs de l’application et assurait sa promotion en interne. »
Les avantages selon Nicolas Iweins
Avoir un manager qui fait de sa faiblesse une force, voilà la recette du duo gagnant : « La confiance qu'il m'a accordé m’a beaucoup valorisé et m’a permis de progresser rapidement avec beaucoup autonomie dans mon organisation et une grande liberté dans les choix techniques. Le fait qu’il ne connaisse pas mon métier n’a pas été un frein car je continuais d’apprendre en échangeant avec les autres développeurs de l’équipe. »
Le conseil de Nicolas Iweins
« Il est important d’instaurer un rapport de confiance, et de ne pas s’enfermer dans les détails que l’autre ne maîtrise pas. Ainsi, chacun peut exploiter ses compétences au maximum. »
Première parution : 10/5/2022.

Spécialisée dans la conception et la création de contenu (écrit et audio), je suis journaliste, consultante et intervenante en enseignement supérieur. Depuis 2018, je travaille pour Cadremploi en tant que rédactrice indépendante. Mes sujets de prédilection : l’innovation managériale, les méthodologies de travail, les soft skills, et les aspirations des cadres.