Allocations chômage pour tous : le dispositif méconnu qui préfère le rester

Sylvia Di Pasquale

Un récent rapport parlementaire vient de rallumer la lumière sur un dispositif méconnu. Celui qui permet à ceux qui démissionnent, ou aux indépendants privés d'activité, de percevoir des indemnités de chômage, et qui existe depuis novembre 2019. En termes polis, les députés constatent que c'est une usine à gaz sous-utilisée. Un échec de l’exécutif, ou une volonté réelle de ne pas paraître pousse au crime ? On a notre petite idée.

Parcours du combattant. Illustration originale de Charles Monnier

Allocations chômage pour tous : le dispositif méconnu qui préfère le rester
Parcours du combattant. Illustration originale de Charles Monnier

Un dispositif prévu par la loi Avenir professionnel

Imaginez : un démissionnaire après 5 ans de bons et loyaux services aurait la possibilité de toucher des allocations chômage pour préparer sa future reconversion. Et ce, en parallèle des mesures de démissions légitimes déjà existantes. Ou encore un indépendant qui se retrouverait sans activité pourrait s’inscrire à Pôle emploi et toucher des indemnités chômage le temps de préparer sa reconversion.

Faut pas rêver  ? 

C’est pourtant une réalité. Ce dispositif "démission-reconversion" existe depuis novembre 2019 dans le cadre de la loi Avenir professionnel et permet, sous conditions, au salarié démissionnaire ou à l’infortuné indépendant de toucher le chômage comme n’importe quel salarié licencié dans les clous. Nous faisons un premier bilan de cette mesure en mai 2021 :

Un dispositif sous-utilisé

Aujourd'hui, très peu des personnes concernées ont effectivement perçu ces allocations chômage Le système fonctionne beaucoup moins qu’escompté. Sur les 17 000 à 30 000 démissionnaires et indépendants attendus par an, seuls 14 443 personnes s’y sont risqués en 2 ans.

C'est le constat fait par les députés Sylvain Maillard (LREM) et Joël Aviragnet (PS) dans le gros rapport parlementaires N° 4922 de 326 pages* dans lequel il font un bilan de cette mesure (pages 176 à 181). Ils épinglent l’embrouillamini que constitue la demande d’indemnisation lorsque l’on délaisse sciemment son boulot.

 Une usine à gaz qui décourage

Désintérêt ? Générosité excessive de la part de ceux qui pourraient avoir droit à un pécule et qui le refusent pour ne pas délester le budget de l’Etat ? La réalité est toujours plus pragmatique.

  • Dans le cas des indépendants, le pécule qu’ils peuvent espérer toucher, est compris entre 600 et 800 euros, durant 6 mois seulement, soit à peine plus que le RSA (auquel ils ont droit) et qui peut se prolonger beaucoup plus longtemps. 
  • Quant aux démissionnaires, leur parcours du combattant est hérissé de telles contraintes que peu d’élus peuvent espérer aller au bout du processus. Il est non seulement soumis à une ancienneté, assez logique, de cinq ans dans la boîte que l’on quitte, mais aussi à un projet de reconversion, tout aussi logique. Mais lorsqu’il s’agit de valider le projet, l’affaire se gâte sérieusement. Non seulement, il doit être soumis à un conseil professionnel, mais aussi, dans un second temps, à une commission interprofessionnelle paritaire, avant d’être, dans un troisième temps, étudié par Pôle emploi. 

 

Autant dire qu’il est beaucoup plus facile d’obtenir un prêt bancaire pour lancer une start-up d’épluches légumes connectés, ou de lever des fonds chez des capital risqueurs que de décrocher  une démission indemnisée.

 

 

Une complexité délibérée

Finalement, on peut se demander si ces démissionnaires étaient-ils si "attendus" que cela ? En 2017, les entreprises se plaignaient certes de l'immobilisme du marché du travail, et de celui des cadres plus précisément. Mais le Covid est passé par là, et la fuite des salariés vers d’autres prés, d’autres entreprises et même d’autres secteurs est devenue une réalité. Simplifier l’accès aux indemnités de chômage aux démissionnaires constituerait donc un appel qui risque d’être plutôt mal vue par des boîtes qui ont déjà du mal à conserver leurs troupes. Quant aux indépendants, on sait que la première chose qui rebute les salariés en mal d’entrepreneuriat, c’est le risque encouru lorsque l’on fait cavalier seul. Lever ce frein, en sécurisant au maximum l’indépendance constituerait là encore un appel d’air qui ne ferait qu’enrhumer  des entreprises réfractaires à ces fuites.

 

* Le rapport remis le 19 janvier 2022 à l'Assemblée nationale est signé des députés CATHERINE FABRE (LREM) et GÉRARD CHERPION (LR), SYLVAIN MAILLARD (LREM) et JOËL AVIRAGNET (PS), CAROLE GRANDJEAN (LREM) et MICHÈLE DE VAUCOULEURS (Mouvement démocrate).

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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