Bruno Le Maire trouve les ingénieurs trop chers

Sylvia Di Pasquale

Le ministre de l’Economie et de l’Industrie affirme que les ingénieurs français coûtent beaucoup plus cher qu’en Allemagne. Non parce qu'ils ne méritent pas leur salaire mais parce que les charges qui pèsent sur leur rémunération sont trop élevées. De quoi cette petite phrase est-elle le signe ?

Dessin orginal de Charles Monnier

Bruno Le Maire trouve les ingénieurs  trop chers
Dessin orginal de Charles Monnier

Ingénieurs et cadres, voilà que le patron de Bercy en personne s’en prend à vous. «Quand je regarde un ingénieur, il peut coûter jusqu'à trois fois plus cher en France qu'en Allemagne » a déclaré Bruno Le Maire sur LCI la semaine passéeVeut-il dire que vous ne valez pas le salaire mirifique que l’on vous verse chaque mois ? Entre la retraite des cadres ratiboisée, les allocations chômage dégraissées, voilà que l’Etat en voudrait à votre porte-monnaie.  

 Soutien aux entreprises

On se calme : le coût que visait Le Maire n’est pas celui qui tombe dans l’escarcelle du cadre, mais de l’Etat, puisque le ministre indiquait dans la foulée, que ces sommes trop élevées étaient liées « au déplafonnement des cotisations sociales ». En clair : le Maire souhaite appliquer aux hautes qualifications ce que la France a mis en place pour les basses qualifications depuis des années : des coups de pouce aux entreprises qui paieraient moins de charges lors de l’embauche d’ingénieurs en particulier qui peuvent varier entre 35 000 et 125 000 euros selon l’expérience (chiffres IESF 2021)

Quand je regarde un ingénieur, il peut coûter jusqu'à trois fois plus cher en France qu'en Allemagne parce qu'on a déplafonné les cotisations sociales
Bruno Le Maire

Objectif réindustrialisation

Cette sortie sur les charges salariales s’inscrit pour le ministre dans son combat du moment : la réindustrialisation du pays. Car pour le locataire de Bercy (en poste depuis le début du quinquennat, un record), comme pour nombre de ceux qui observent la disparition des usines françaises, l’une des principales causes est liée au coût du travail en France. En réduisant celui des cols blancs, on réduit du même coup la tentative des entreprises de s’implanter dans des prés où ces salariés à haute valeur ajoutée coûtent moins chers (à salaire net équivalent ou même supérieur).

Est-ce une bonne idée ? Pourquoi pas. A deux conditions : que le manque à gagner lié à cette baisse des charges soit compensé par les fruits de la réindustrialisation appelée des vœux gouvernementaux. Car le déficit public de 7% pour 2021, même s’il est, heureusement, inférieur aux prévisions, n’est pas vraiment de nature à offrir une grande latitude financière.

Moment présidentiel

Ensuite, la déclaration de Le Maire intervient à moins de 100 jours du premier tour de la Présidentielle. Un moment où toute proposition risque d’être attaquée par les oppositions à l’exécutif actuel. Une déclaration suggérant la baisse des charges sur de hauts salaires représente du miel pour les services "ripostes" des différents candidats. Pour eux, le « président des riches » a encore sévi, puisqu’il facilite la vie des 20.4% de cadres en poste, contre la grande majorité des salariés lambda. Caricature ? Non, campagne électorale. 

 

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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