
Le rebond du coworking
Ce n’est pas une tendance printanière, mais une lame de fond durable. 47 espaces de coworking se sont ouverts en France en 2022. Une hausse de 15% par rapport à l’année précédente. Et selon les professionnels de l’immobilier, cette augmentation des ouvertures de bureaux partagés ne devrait pas connaitre la crise cette année, puisqu’ils tablent sur une progression similaire en 2023, voire sur un chiffre qui pourrait atteindre 20%.
Des chiffres qui peuvent faire rêver, qui peuvent enclencher la machine à se raconter de jolies histoires de néo-ruraux. Celle de salariés parisiens qui ont tout quitté pour se mettre au vert et qui se sont téléportés dans la vallée du Tarn après le Covid et peuvent ainsi télétravailler dans des lieux conviviaux et équipés. Mais si les espaces de coworking existent à Albi, la plupart de ces nouveaux lieux ont fleuri en Ile-de-France, et même, pour 70% d’entre eux à Paris intra-muros, comme l’indique un spécialiste au magazine le Point.
Beaucoup d'entreprises du CAC40 louent des surfaces pour y installer leurs salariés sur une courte duréeOlivier Durix, directeur général des offres et des clients de Bouygues Immobilier, cité par Le Point du 9 mars 2023
Pourquoi les entreprises plébiscitent le coworking ?
Alors forcément, on se demande quel est l’intérêt, pour des entreprises, de louer, à la journée, à la semaine voire au mois, des lieux pour que leurs collaborateurs puissent y bosser, s’y réunir ou donner des rendez-vous ?
Dans le but d’arranger les salariés en question ?
S’ils ont la chance de vivre à côté de ces locaux partagés, pourquoi pas. Mais ce n’est souvent pas le cas. La région parisienne compte 12 millions d’habitants et Paris n’en compte que 2 millions. Arithmétiquement, ils ont donc plus de chance de se retrouver coincés dans les bouchons, ou dans les RER, du matin et du soir, que d’aller coworker en chaussons à côté de chez eux.
La raison de ce boom des espaces de coworking, forcément lié à l’intérêt des boîtes pour ce genre de service qui revendique un taux d’occupation de 80 à 90%, est donc à chercher ailleurs. Et peut-être dans le dernier aboutissement de l’externalisation forcenée à laquelle les entreprises se livrent depuis des années. On en connait par cœur les intérêts financiers et les économies réalisées. Après les fonctions qui ne sont pas leur cœur de métier, elles touchent désormais, pour certaines d’entre elles, à ce qui physiquement les relie à leurs salariés, du moins à ceux qui ne sont pas devenus des prestataires : la pierre.
Louée ou achetée, cette pierre qui scellait jusqu’ici les relations entre l’entreprise et ses collaborateurs. Comme le port d’attache pour les marins, même si ces derniers sont partis en mer très longtemps, ou, pour les salariés, en télétravail pendant quelques temps.
Compenser la disparition des bureaux
Il serait vain et puéril de filer la métaphore lyrique et marine, mais il serait tout aussi vain, et peut-être puéril, de baser une gouvernance d’entreprise sur la seule économie de bouts de chandelles court-termiste. Car on sait depuis longtemps que l’innovation, la productivité et la cohésion des équipes reposent sur la qualité du collectif, dans le travailler ensemble et dans le sentiment d'appartenance à une entreprise.
Le télétravail dispersant toutes ces notions façon puzzle et nécessitant une énergie de dingue pour les rassembler, le coworking apparait comme une concorde qui plait aux managers qui ont besoin d'être avec leurs équipes et qui convient aux financiers.
Les locations de plus de 40 postes ont été multipliées par 5 par rapport à 2021.Alexandre Fontaine, directeur bureaux Ile-de-France chez CBRE, cité par Le Point du 9 mars 2023
Les managers prennent l'habitude de rassembler leurs équipes dans ces coworks, histoire de se retrouver physiquement et de "refaire" entreprise. Pour certains entreprises, ces bureaux alternatifs sont même un argument de drague pour séduire les jeunes diplômés qui préfèrent ces locaux souvent plus funs que les sièges sociaux et surtout plus centraux.
Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.