A bas les conseils lacrimaux !

Sylvia Di Pasquale

Hello Sheryl,

Ça ne te dérange pas que je t’appelle Sheryl ? Que je gomme ce vouvoiement si distanciant entre nous ? Car après tout, on a suffisamment de points en commun toutes les deux pour que je n’ai pas besoin de te donner du « Madame Sheryl Sandberg la numéro 2 de Facebook ». C’est que, moi aussi je suis une femme, moi aussi je travaille dans la nouvelle économie et moi aussi j’ai deux enfants. Tout pareil. Alors tu penses bien que la moindre de tes déclarations résonne en moi comme un commandement gravé à jamais sur ma table des lois.

C’est simple : ton ouvrage « En avant toutes. Les femmes, le travail et le pouvoir » est une bible pour toutes les bosseuses de la planète qui doivent concilier travail, famille, remplissage de frigo et lessive à 30°. Quand tu nous dis qu’il faut croire en nous, qu’on a notre mot à dire et que l’on doit percevoir les mêmes salaires que les garçons, on marche. A fond.

Sauf que voilà. Effet de la mousson ? Tandoori mal digéré ? Toujours est-il que tu expliquais, samedi dernier, au journal économique indien Mint que « moi-même, il m’arrive de pleurer au travail ». Tu considères que nous sommes tous des êtres émotionnels et c'est très bien de partager cette émotion au travail. Alors, on se pose une question. Et on aimerait bien te la poser aussi, dans la foulée : à partir de quel salaire a-t-on le droit de verser sa larme au boulot ? A partir de combien de zéros peut-on partager ses émotions au bureau ? Si l’on en croit les gazettes, ce serait dès 20,3 millions de dollars annuels, somme que tu as touchée l’an passé, Sherylou. En dessous, pas sûr que nos N+1, +2 ou +20 nous laissent tranquille, avec nos épanchements et le rimmel qui fout le camp.

Tu vois Sherylette, même avec cette simple petite déclaration, tu arrives à faire avancer le schmilblick des femmes au travail. Car elle nous apprend à nous, pauvres filles, qu’il faut toujours relativiser ce que disent les copines. Et pas seulement quand elles nous poussent à chialer pendant les heures ouvrables. Quant il faut faire des lessives et finir un powerpoint en même temps aussi. Car avec 20 millions de dollars, on peut s’offrir du petit personnel pour réaliser parfaitement les deux tâches. Nos fringues n’auront pas déteint, et nos PPT dans les temps seront achevés.

Au fait, Shelylilette, si tu donnes une autre interview un de ces jours et que tu as des envies de mediatraining, va faire un tour par ici. Najat Vallaud-Belkacem est l’invitée de la 150ᵉ de notre série On revient vers vous. La ministre parle elle aussi des femmes au boulot. Elle évoque notre mentalité d’outsider par rapports aux hommes challengers. Une manière différente de voir les choses. Moins lacrymale. Plus utile ?

@Syl_DiPasquale – 21 mai 2013

Dessin de Charles Monnier © Cadremploi.fr

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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