A quand la fin des mots creux dans les annonces de recrutement ?

Sylvia Di Pasquale

A quand la fin des mots creux dans les annonces de recrutement ?

La marque employeur, il l’a inventée, il y a quelques années déjà. Mais aujourd’hui, Didier Pitelet, fondateur de l’agence Onthemoon, voit son bébé dévoyé. Alors ce pro de la communication de recrutement a pris la plume pour dénoncer, à la sulfateuse, les mots fourre-tout. Ceux que les entreprises font mousser à tire-larigot sur les réseaux sociaux pour des candidats censés être dupes de leur « bienveillance » et de leur « agilité ».

Le management de ces boîtes ? Il est évidemment « responsabilisant » dans un super-chouette univers de « co-construction »« les relations sont libérées ». Un chamallow lexical que les entreprises copient et recopient à l’infini, persuadées d’utiliser des termes terriblement modernes et efficaces. Pas pour Didier Pitelet pour qui, « ces mots élégants dans la forme, creux dans le fond, transforment la parole d’entreprise en une bouillie insipide dans laquelle les talents sont censés se reconnaitre. »

Pourquoi en est-on arrivé là ? Le sniper a son idée : « le parler creux prime sur le parler vrai par manque d’audace mais aussi d’éveil en humanité de nombre de dirigeants, coulés dans le moule de l’hypocrisie statutaire et financière. »

Ces mots vides de sens, assénés par des entreprises « moutonnières », ont pour unique résultat de tomber à plat auprès des jeunes générations qui ne sont pas dupes de leur vacuité, et des générations plus expérimentées et plus blasées qui ont vu passer tant d’autres balivernes sur le fleuve de leur carrière.

Ces mots élégants dans la forme, creux dans le fond, transforment la parole d’entreprise en une bouillie insipide dans laquelle les talents sont censés se reconnaitre.

Alors on fait quoi pour sauver le soldat marque employeur ? Pour le boss d’Onthemoon, « l’entreprise lieu de vie doit, si elle veut espérer gagner la bataille, oser se défaire des mots fourre-tout au profit de son propre récit culturel, forcément unique. » Un récit qui ne doit pas faire l’impasse sur les mots et les idées, mais cette conquête doit passer par le courage, celui « d’un voyage de l’intérieur vers l’extérieur et des allers-retours permanents pour éviter que des convictions ne se transforment en certitudes dogmatiques. »

Un bien vaste programme, un gros challenge à relever, mais c’est le prix à payer pour attirer les vrais talents qui, aujourd’hui plus que jamais, ne veulent plus d’un vernis communicationnel. Un vernis auquel ils préfèrent un interlocuteur, et peut-être futur employeur, qui pose sur la table les véritables cartes de l’entreprise qu’ils leur proposent d’intégrer. Et cette honnêteté permettra, aux boîtes qui parviendront à se l’imposer, de creuser la différence, en ces temps de pénurie de cadres, avec toutes celles qui resteront engluées dans le creux des mots. 

@Syl_DiPasquale ©Cadremploi

Dessin de Charles Monnier

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Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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