Au secours, la préretraite est de retour

Sylvia Di Pasquale

C'est devenu drôlement compliqué de coller un senior en préretraite. Pensez donc : en dix ans, de 1999 à 2009, le nombre de départs est passé de 70 000 à 7 260 (1). La faute aux différents obstacles mis en place par les différents législateurs depuis une décennie. Normal : on ne peut pas exhorter les employeurs à garder les quinquas, tout en leur permettant de s'en débarrasser à peu de frais. Surtout à un moment où l'on veut reculer l'âge de la retraite. Surtout à une période où moins de la moitié des plus de 55 ans a la chance d'être au boulot.

C'est en se faisant cette réflexion pleine de bon sens et pleine de bons sentiments envers nos gouvernements successifs qui pensent trop bien aux plus âgés d'entre nous, qu'on est tombé sur une note du CAS (Centre d'analyse stratégique). Celle-ci, sans penser à mal, dresse le bilan des deux ans passés depuis l'instauration de la loi sur la « rupture conventionnelle ». Une sorte de calumet de la paix employeurs-employés qui leur permet de se quitter bons amis, moyennant finances, en évitant de se chicorner aux Prudhommes. On apprend donc que 390 000 divorces professionnels à l'amiable ont été signés depuis la promulgation du texte. Et devinez quelle est la catégorie qui arrive en tête des divorcés ? Gagné, ce sont nos seniors.

Avec 10% de poivre-et-sels concerné, contre 8,6% pour le reste des actifs. Du coup, on se dit qu'il s'agit là d'une nouvelle brèche dans laquelle les employeurs s'engouffrent pour se débarrasser de leurs anciens, trop chers, trop râleurs, et pas assez technologiquement avancés, comme il est encore trop souvent de mise de les juger. Pas du tout, nous explique la note du CAS. «L'écart est trop faible pour en conclure que le nouveau dispositif a ouvert une nouvelle voie de départ anticipé des salariés âgés ». Ah bon, excusez le dérangement, on doit être totalement parano.

On retourne à nos saines occupations lorsque l'on est intrigué par un petit article sur le site de nos confrères de Miroir Social. On y apprend que la CFDT a proposé aux Chambres de commerce et d'industrie d'introduire un motif de licenciement d'un nouveau genre. C'est un petit avenant spécial seniors. Etre quinqua deviendrait donc un motif suffisant pour prendre la porte. C'est sous la pression du gouvernement que le syndicat a finalement retiré sa proposition.

C'est vrai qu'elle devait être discutée le 27 octobre, la veille du dernier raout contre les retraites. Ce qui faisait un peu tâche dans le paysage agité. Sûr que le CAS n'y verrait pas « une nouvelle voie de départ anticipé des salariés âgés ». Mais nous, on ne peut pas s'empêcher de détecter dans ces deux éléments concomitants, la pose de la première couche de bitume d'un futur boulevard permettant encore et toujours aux entreprises de se débarrasser des seniors. Puisse-t-on avoir tort.

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr - 2 novembre 2010

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En savoir plus :

(1) : Dix fois moins de préretraites qu'en 1999

Dessin de Charles Monnier © Cadremploi.fr

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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