Au secours, les salariés veulent être « considérés » !

Sylvia Di Pasquale

On a lu des études plus réjouissantes. Et entendu des sociologues plus optimistes. C'est que la dernière enquête du CCA (Centre de communication avancé)* et les commentaires que Bernard Cathelat, son dirigeant, a fait à Cadremploi ont de quoi filer le bourdon à ceux qui s'imaginent encore que nous sommes un peuple bien dans sa peau et bien au boulot.

Cathelat et ses limiers ont interrogé près de 2 000 Français. Et leur verdict est implacable : « on n'est plus face à un malaise, mais face à une vraie colère. Et l'entreprise en est l'une des cibles ».

On connaît la chanson de la lutte des classes, elle est aussi ancienne que les cavernes. « Sauf que jusqu'ici, elle touchait surtout le bas de la pyramide sociale. Maintenant elle atteint les cadres et les cadres sup. » La défiance est systématique. Selon l'étude, 73 % des personnes interrogées (tous niveaux hiérarchiques confondus) considèrent que les entreprises pratiquent des licenciements ou des délocalisations par pur opportunisme. Pour absoudre l'entreprise de ses péchés, ils ne sont que 25 %, le dernier carré, à considérer qu'elle fait ce qu'elle peut pour sauver l'emploi. Les autres, du moins 58 % du total des sondés, sont persuadés que les patrons mentent. Rien de moins.

Bon, mais ces interrogés là, ce sont forcément des quadras ou quinquas cyniques et revenus de tout ? Les jeunes, eux, sont d'un autre calibre, d'un enthousiasme scout et d'un moral à toute épreuve, n'est-il pas ? « Pas du tout, coupe le boss du CCA. A force de traîner de stages en CDD, la grande majorité des jeunes sont devenus des flibustiers, individualistes et cyniques ». Un constat valable uniquement pour ceux qui galèrent par manque de formation ? « Un constat valable pour les surdiplômés comme pour les gamins des cités, » rectifie encore Bernard Cathelat.

Certes, la défiance est à son maximum envers l'entreprise, mais après tout, elle se limite peut-être à une ambiance sinistre autour de la machine à café. Mais à lire les autres résultats de l'étude, on est plus proche de la prise de la Bastille que de la mortification devant le court sucré. 58 % des sondés pensent que le climat social va se dégrader dans leur entreprise. Ils sont autant à considérer que les grèves vont se durcir. Et 74 % de ceux qui ont répondu au CCA affirment que, s'ils n'ont pas d'autre solution, ils sont prêts à se battre !

Nos belliqueux ont bien envisagé une solution avant de couper la tête des patrons. Ils savent surtout ce qu'ils ne veulent plus : la mobilité (rejetée à 82 %), le travail à risque même s'il est bien payé (rejeté à 84 %) et surtout, l'individualisation des tâches, des objectifs et des rémunérations (rejetée à 90 %). Mobilité, adaptabilité et individualisation : ne seraient-ce pas là les fondements du management moderne ? Peut-être pourrait-t-on leur en adjoindre un autre. Et peut-être pourrait-il devenir plus important que les autres. On l'appellerait : la considération. On n'a pas eu l'idée tout seul : 83 % des sondés seraient prêts à faire des sacrifices pour leur entreprise et à travailler plus à condition que leur entreprise leur en donne, de la considération. Révolutionnaire, on vous dit !

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr - 30 novembre 2009

* Le CCA est une filiale du Groupe publicitaire Havas.

Dessin de Charles Monnier © Cadremploi.fr - 2009

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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