Avoir de la mémoire, un truc obsolète au boulot ?

Sylvia Di Pasquale

Avoir de la mémoire, un truc obsolète au boulot ?

À quoi bon se creuser les méninges ? À quoi bon se souvenir de la date du premier Minitel ou du nom des boss de ses clients quand Google nous les offre en une seconde sur n’importe quel téléphone ? « À être libre », répond Sébastien Martinez. Il est champion de France de la mémoire, est capable de se souvenir de 30 mots en cinq minutes et propose son coaching aux étudiants et aux salariés.

Mais le garçon, invité de David Abiker dimanche dernier sur Europe 1 à l’occasion de la parution de son livre* et qui fait la tournée des médias depuis une semaine, ne serait-il pas en train de nous vendre une vertu obsolète, un talent des siècles précédents ? Un truc qui pendant des millénaires était la manière la plus courue de juger de l’intelligence de ceux qui en étaient pourvu, au détriment des autres, poissons rouges à figure humaine.

La mémoire a toujours permis de faire de brillantes études, d’attirer l’attention dans les dîners et d’évoluer au boulot. Mais quid de son utilité aujourd’hui, et qu’en sera-t-il surtout demain, lorsqu’aura vraiment sonné l’heure de l’instantanéité de l’accès à toutes les données ? Quel sera alors le ROI d’une grosse capacité de mémorisation ? Après tout, déployer les ficelles enseignées par le jeune prodige ne pourrait bien ne servir qu’à décrocher quelque trophée dans un concours de foire.

Pas pour Sébastien Martinez. Pour l’ex-ingénieur passé à l’enseignement de la mémorisation, elle sera toujours d’actualité, même s’il faudra distinguer la part du savoir « à externaliser » de celle qu’il faut conserver en interne, à l’instar d’un dirigeant d’entreprise qui ne peut, et ne pourra jamais, tout déléguer. Dans une conversation, une réunion, une prise de parole en public, être obligé de recourir à une base de données loin de sa tête ne pourra jamais remplacer la répartie encore plus fulgurante que l’instantanéité du Net. Et pour le coach, les techniques de mémorisation servent à bien autre chose qu’à se souvenir des horaires de trains entre Paris et Montluçon.

Elles permettraient, selon lui, de mettre en action deux leviers indispensables à ce vaste océan que l’on nomme l’intelligence : l’imagination et la logique. Le premier permet de créer des images qui, grâce à des associations d’idées, aboutissent au mot, au chiffre ou à l’idée que l’on souhaite retenir. Et ça marche avec une citation, une innovation observée chez un client ou une conférence entière. « Mémoriser consiste à créer des liens logiques ou complètement loufoques mais qui font sens pour vous », détaille Sébastien Martinez dans son bouquin. C’est pratique la mémoire, et ça peut même faire toute la différence, puisqu’en plus de développer l’imagination et la logique, elle « fait toute la profondeur de l’homme », comme disait un écrivain que je vous laisse retrouver grâce à Google. Ou à vos profondeurs.

@Syl_DiPasquale © Cadremploi

Une mémoire infaillible : briller en société sans sortir son Smartphone, éd. Premier parallèle (26 mai)

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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