Cadre ? Non merci

Sylvia Di Pasquale

Et si le statut cadre n’intéressait plus grand monde ? Et si le Graal du salariat n’était plus cette distinction-là ? Et si le jeu n’en valait plus la chandelle ? Et que, tout bien réfléchi, non merci, les employés préféraient rester dans leur situation actuelle, plutôt que d’accéder à une promo aux avantages pas évidents.

C’est une petite phrase dans une énorme étude qui nous met la puce à l’oreille. Car dans son pensum annuel sur le marché passé et à venir de l’emploi des cadres, l’Apec indique que  « les promotions au statut cadre devraient fléchir en 2014 : elles diminueraient dans une fourchette comprise entre -10% et -2%. » Après avoir déjà baissé dans une proportion similaire en 2013. On peut bien entendu incriminer la réduction de voilure des boîtes en pleine tempête.

Mais on peut aussi voir dans cette réduction un effet fine bouche : celle de salariés qui ne veulent pas franchir le pas. Des ouvriers, employés ou Etam qui pèsent le pour, le contre et surtout les inconvénients, savent les avantages qu’ils ont et redoutent les emmerdements qu’ils auront. Un meilleur salaire ? Pas si sûr. Les cadres ont toujours appartenu à la catégorie socioprofessionnelle la moins syndiquée. Individualistes, ils négocient seuls. Et sont éconduits plus souvent qu’un groupe constitué. Résultat : selon l’Insee, les cols blancs ont perdu 1,5% de salaire, en euros constants, en 2011, par rapport à la même période un an auparavant. À l’inverse, la rémunération des ouvriers a augmenté, la même année, de 1,3%.

Certes les cadres sont, en moyenne, mieux rémunérés que les ouvriers, sauf au taux horaire. Car le fameux forfait jour, qui libère les managers du carcan des 35 heures, allonge leurs journées et raccourcit leur week-end. Un pur fantasme ? Selon l’Insee toujours, 49% des cadres bossent, souvent ou de temps en temps, le soir après 20 heures. Et le samedi, ils sont encore 48% dans ce cas.

Que certains salariés refusent donc de franchir le pas lorsqu’on leur offre une promo sur un plateau n’est donc pas si absurde. Le sacerdoce n’est plus la loi. Le travail est nécessaire mais l’investissement maximum ne fait plus recette. Cette situation, si elle s’amplifie, devra réellement être prise en compte par les DRH. Car visiblement, la gloriole du statut cadre ne fait plus vraiment recette. Et ses derniers, et réels avantages, comme une meilleure retraite que les cols blancs percevront après des années de pression, de stress et de no life, ne devraient pas suffire très longtemps à les convaincre.

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr – 24 février 2014

Dessin par Charles Monnier © Cadremploi.fr

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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