Cause quotas, recherchons 1200 nanas

Sylvia Di Pasquale

Nos députés (des mâles à 81,5 %) ont approuvé : les conseils d'administration des grandes entreprises devront bientôt compter 40 % de filles dans leurs rangs. Évidemment, les sénateurs (78 % de messieurs) devront eux aussi donner leur avis sur cette nouvelle loi votée par l'Assemblée mercredi dernier visant à assurer la parité homme/femme dans les instances de surveillance des grandes entreprises. Mais il y a fort peu de chances que les vénérables du Luxembourg ne se ridiculisent et ne s'opposent à ce rééquilibrage. C'est donc comme si c'était fait.


Doucement les filles, pas la peine de vous précipiter pour autant. Inutile de profiter de votre entretien annuel d'évaluation (il y en pour qui ça tombe cette semaine !) pour réclamer un jeton de présence au boss. La date d'application de la loi est d'ores et déjà connue : ce ne sera pas avant le 1ᵉʳ janvier 2016. Avec un palier de décompression histoire de permettre aux organismes de s'adapter : 20 % dans trois ans et 40 % dans six ans seulement. Que risquent les insoumis ? La nullité des nominations (sauf celle des femmes) et des délibérations prises. Ce qui laisse six ans à ces clubs ultra sélects pour s'ouvrir quelque peu. Il faut dire qu'avec 10% de femmes actuellement, les CA respirent plus la testostérone que le 5 de Chanel.

Selon ces messieurs, ce délai serait indispensable pour repérer et adouber les 1 200 femmes nécessaires pour que tous les conseils hexagonaux atteignent les quotas. Ce qui leur laisse le temps de repérer, de trier, de doper et de sélectionner celles qui pourraient éventuellement rejoindre le saint des saints, la table ronde de ces Kaamelot tant convoitée. Un temps primordial, peut-être, pour que ces messieurs découvrent que parmi les cadres françaises en 2010, il y a des volontaires. Les réseaux de femmes dirigeantes leur ont même mâché le travail en tenant à jour des listes de nanas à la carrière toute tracée pour s'asseoir un de ces quatre à leurs côtés.

Mais admettons. Admettons que ce délai soit incompressible pour que nos mâles dirigeants, cooptés et issus des mêmes grandes et belles écoles, fassent leur petite révolution intérieure et acceptent l'intrusion. Offrons leur ce petit sursis. Qu'ils soient réticents, on les comprend. C'est pas simple de s'asseoir sur des traditions séculaires.

Ce que l'on comprend moins, ce sont les arguments avancés par certaines femmes pour tenter de justifier leur future présence au Cénacle. Et de ressortir la bonne vieille rengaine de la gouvernance au féminin, plus pragmatique, plus équitable, plus efficace en temps de crise, plus belle et plus mieux. Comme si, encore et toujours, les filles devaient en passer par des justifications. Leur dernier héraut s'appelle Michel Ferrary. Selon une étude de cet enseignant chercheur, les entreprises du CAC qui enregistrent une forte proportion de femmes sont plus performantes. Soit.

Mais pourquoi la moitié de la population française devrait-elle s'appuyer sur des chiffres, sans nul doute exacts, pour exprimer son égalité avec l'autre moitié ? Les myopes, les demi chauves, les moitié glabres et les grands blonds ne s'adossent sur aucune étude pour justifier leurs jetons de présence. Le fait que des femmes elles-mêmes utilisent ces moyens pour se légitimer permet de mesurer le chemin qui leur reste à parcourir pour se prouver à elles-mêmes, et sans l'appui d'un prof, qu'elles ont tout naturellement leur place dans un CA. Un chemin à parcourir d'ici six ans.

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr - 1ᵉʳ février 2010

Dessin de Charles Monnier © Cadremploi.fr

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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