Clodettes Bac + 8 cherchent repreneurs

Sylvia Di Pasquale

Ils ont peu de chance de mettre le feu à Bercy ou au Stade de France et leur réalisateur risque de passer à côté de la Victoire de la musique du clip de l'année. Mais les 140 ingénieurs et techniciens du centre R&D Motorola de Rennes n'en demandent pas tant. Le groupe américain, fabricant de téléphone dernier cri, les a lâchés début novembre et ils cherchent un repreneur. Car après les fêtes, il n'y aura plus d'abonné au numéro demandé.

Alors, plutôt que de séquestrer leur direction qui n'y est pour rien, plutôt que d'occuper des bureaux dont plus personne ne veut, ils s'en sont allés enregistrer leur version, disons, personnelle, du Téléphone pleure (voir ci-dessous) de feu Claude François qu'ils ont mise en ligne avec la bénédiction de leur boss.

Les paroles du chanteur bondissant ont été passablement modifiées en « dis lui, je t'en prie, dis lui qu'ça va fermer et qu'on va dégager ». Le buzz recherché s'est mis en marche et nos vieilles chaînes télé ont craqué pour les ingénieurs chanteurs. Canal, M6 et France 2 ont diffusé des extraits du clip dans leurs JT et les Cloclos high-tech sont devenus les stars du Net. Ils ont commis d'autres chansons, tout aussi drôlement mal interprétées, en massacrant  avec allégresse Michael Jackson, Village People et Serge Lama, devenus, très involontairement, les porte-drapeaux d'une lutte sociale plutôt désopilante.

Tout ce barouf est donc parfaitement réussi, puisque l'offre de reprise s'est largement répandue, bien au-delà des cercles concernés. Un maximum de monde sait désormais que le groupe américain a décidé de fermer son centre R&D de Rennes. Pour autant, rien n'est évidemment gagné. Il n'est pas sûr du tout qu'une entreprise sur la planète ait ces temps ci l'envie, les possibilités, le besoin ou les moyens (cochez la bonne case) de reprendre une structure et une équipe, aussi pointue, motivée et mauvaise chanteuse soit-elle.

Mais en tout cas la bouteille à la mer lancée par les lurons rennais sur la Toile aura fait un tel tapage qu'aucun repreneur en quête de reprise ne pourra ignorer leur existence. Et si jamais le pire advient, si jamais personne ne vient sonner à la porte de leur studio, pardon, de leurs bureaux avant la fin du mois de janvier, leur action n'aura pas été inutile malgré tout.

Car ils auront prouvé qu'une équipe de cadres ne reste pas toujours figée, dans l'attente du désastre. Ils auront également démontré que les actions sociales ne sont pas toujours de pauvres remakes de la grève à la papa. Et enfin, si jamais le centre R&D de Rennes devait vraiment fermer ses portes, nos lascars auront évité qu'elles ne soient closes dans une parfaite indifférence. Rien que pour ces trois raisons, c'est tout à leur honneur de s'être attifés d'une perruque blonde et d'un costume rose.

 

 

 

 

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

Vous aimerez aussi :