2013 : les congés illimités débarquent en France
Un concept qui surfe sur la culpabilité des salariés, on ne pouvait pas passer à côté. Invention américaine, l’idée de « congés illimités » offerts par un employeur à ses salariés débarque en France par le truchement d’une start-up que BFM TV s’est empressée d’aller filmer. Evidemment, vu de loin, on ne capte pas illico pourquoi des salariés pourraient se sentir coupables d’accepter cette formule de vacances au bon vouloir. C’est en y regardant de plus près que l’on repère le piège.
La chaîne explique les règles du jeu : les salariés font comme bon leur semble, et ne viennent pas bosser s’ils n’en ont pas envie, sans sentir dans leur dos le défilement du compteur de congés payés ni de RTT. Comme partout ailleurs, et pour rester dans le cadre légal, on leur retient simplement deux jours par mois, qu’ils les prennent, ou pas. Tout le monde a l’air ravi de l’aubaine, y compris le boss de la boîte, qui explique tout ça devant la caméra.
"Dans la limite du travail à faire"
Sauf qu’une petite phrase lâchée au détour de son argumentaire nous met la puce à l’oreille quant aux motivations, volontaires ou inconscientes, de cet adepte de la liberté. Selon lui, cette formule s’applique « dans la limite du travail à faire ». Les salariés ont donc des objectifs à atteindre. Et c’est là que le piège s’enclenche. Travailler comme on veut pourvu que le travail soit fait, cela s’appelle une injonction contradictoire. Il suffit de submerger les collaborateurs de tâches pour qu’ils n’abusent pas des jours off. Facile.
Un peu trop même. Car l’open bar des vacances a un deuxième effet : celui de faire naître un sentiment de culpabilité chez le salarié qui s’apprête à profiter du système.
Comment vont réagir les collègues, le petit chef et le grand chef si j’exagère ?
Où placer le curseur du nombre de jours de congés sans déclencher l’hostilité ?
Résultat : cette salariée, prudente, interrogée par la chaîne d’info avoue en prendre « moins que dans une boîte normale. » Comme si l’illusion de liberté suffisait à lui en donner l’impression.
Ce management d’un nouveau type marche à la culpabilisation aliénante. Au « fais comme je te dis et tu ne te tromperas pas » se substitue le « fais comme tu veux mais ne te trompe pas ». Quel est le meilleur choix ? Vous avez quatre heures.
@Syl_DiPasquale ©Cadremploi.fr – 15 juillet 2013
Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.