Contes et légendes du recrutement 2012

Sylvia Di Pasquale

C'est une légende récurrente, entretenue par un taux de chômage des cadres à moins de 4% et (quelques) fonctions en pénurie. Selon ce dernier conte de printemps, les DRH n'auraient qu'à bien se tenir. De plus en plus souvent ce serait  le postulant qui déciderait.

Evidemment, cette inversion des rôles existe chez certains cadres à la recherche d’un poste. Mais la généraliser serait aussi  stupidement faux que d’affirmer que tous les gamins issus des cités de Trappes, auront la carrière de Jamel  Debbouze ou d’Omar Sy lorsqu’ils deviendront grands.

Il suffit de demander aux jeunes diplômés des universités s’ils ont inversé le rapport avec les recruteurs, lorsque par un hasard extraordinaire, ils en rencontrent. Il  suffit de demander à une femme de 55 ans bardée d’expériences si le DRH en face d’elle lui fait un pont d’or pour la recruter. Il suffit de demander à un homme, une femme, un jeune ou un senior d’origine malienne ou marocaine si, effectivement, il n’a qu’à mettre en ligne son CV pour décrocher un job.

Pourtant, l’inversion de ce rapport existe bel et bien pour certaines spécialités ou personnalités qui hantent les cauchemars des recruteurs et des cabinets missionnés pour les dénicher. Par exemple l’indétrônable ingénieur développeur dans les telecoms, entre 25 et 30 ans, déjà cador en management. Ou le chef de projet éolien ceinture noire en hydraulique, mécanique et  climatologie, que se disputent les grands de l’énergie. Sans oublier le directeur d’usine expérimenté qui acceptera de se délocaliser, avec toute sa petite famille, tout près d’une riante zone industrielle.  Ce qui, parmi les 164 000 à 195 000 embauches de cadres prévues par l’Apec en 2012, circonscrit bigrement le périmètre des quidams concernés. Et encore, même si ces derniers se voient dérouler le tapis rouge, un claquement de doigts ne leur apportera pas un contrat. Le nombre d’entretiens avant l’embauche se multiplie, pour ces spécimens recherchés comme pour tout le monde.

Car les entreprises ont peur. De l’avenir, des commandes qui tardent à rentrer, des clients qui pourraient faire défaut et des banques qui leur tournent le dos. Surtout, quand elles embauchent, elles ont peur de se tromper. Car même les professions d’oiseaux rares ont leurs tocards. Alors elles sont plus vigilantes que jamais. Quitte à laisser s’échapper parfois l’oiseau rare, même si c’est un puits de savoir et un manager dont le talent n’est pas superfétatoire.

Au nom du droit à l’erreur, elles continuent de faire passer parfois 3, 4 voire 6 entretiens. « Ce qui allonge la durée des recrutements. Mais il faut savoir que ce temps d’attente entre deux entretiens fait aussi partie du processus de sélection, expliquait Maryvonne Labeille en marge des 1ères Assises du recrutement organisées jeudi dernier par le syndicat professionnel des cabinets de recrutement dont elle est vice-présidente. Même si le temps lui semble long, le cadre ne soit pas s’agacer, ni s’énerver ; car nous sommes très attentifs à la façon dont le candidat gère son stress dans ce genre de situations. »  Savoir canaliser ses émotions, être patient et prendre du recul font bel et bien partie des compétences clés des cadres évaluées par les entreprises. Et cette exigence n’est ni un conte, ni une légende. 

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr – 26 mars 2012

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Dessin de Charles Monnier © Cadremploi.fr

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Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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