Courir, c'est bon pour le CV

Sylvia Di Pasquale

À la rubrique Loisirs du CV, la course à pied n’a jamais eu bonne réputation. Rien de telle pour s’auto-coller une étiquette d’individualiste.  Cette criante injustice n’est plus depuis que le running est devenu un sport collectif.  Car on ne "run" plus, on  "workrun". On s’essouffle avec le marketing, on transpire avec la compta, on chope des crampes avec les commerciaux et on a le palpitant en zone rouge avec la RH. Le jogging entre collègues, c’est le phénomène du printemps. Organisé le 21 mai dernier, le premier Run at work  a vu affluer 3 000 salariés en baskets venus de 90 entreprises du quartier de La Défense.

Là, plus question de se tirer une simple petite bourre entre voisins d’open space. L’événement s’est joué en grand. C’est carrément ASO qui s’en est occupé. Le savoir-faire de l’organisateur du Tour de France et du Dakar était indispensable pour prendre en charge la logistique d’une épreuve de 6 km en petites foulées. Qui, sinon Amaury Sport Organisation, pouvait éviter aux concurrents de se perdre dans les dunes des Quatre Temps ? Et le raout de la Défense n’est que le début de ce grand mouvement qui enflamme l’Europe et les pieds des coureurs.

Le 21 mai toujours, la toute première B2Run française, une course interentreprises importée par un géant suisse du marketing sportif, a rassemblé 400 salariés sur la Promenade des Anglais à Nice. Et ce succès va faire des petits : quatre autres éditions auront lieu de mai à septembre dans d’autres grandes villes. En apothéose, les accros du chrono après le boulot pourront même transpirer sang et eau au Stade de France. D’autres grandes courses classiques, parmi lesquelles le mythique cross du Figaro ou la Route du Louvre, incluent des challenges pour les salariés aux couleurs de leur entreprise.

Mais pourquoi ce besoin de courir entre collègues ? Passons sur la nécessité de pratiquer un sport. Passons aussi sur le soutien des autres, béquille plutôt indispensable pour aller au bout d’une pratique masochiste qui consiste à mettre un pied devant l’autre le plus vite possible. Et si ce phénomène n’était qu’un prétexte, comme le fut en son temps l’Ice Bucket Challenge, ou le concours de post-it sur les baies vitrées des entreprises ? Si toutes ces actions co (collectives et non pas commerciales) n’étaient qu’une raison plus ou moins bonne de se retrouver, non pas entre collègues d’un même service ou d’un même département, obligés de cohabiter en réunion, en rendez-vous, en séminaire, en team-building ou en kick-off, mais entre collègues librement choisis. Des gens que l’on découvre bons coureurs ou tout simplement différents en baskets. Des choix qui se font par affinité sportive ou affinité de rigolade. On se retrouve entre soi comme on se retrouve sur les réseaux sociaux, entre amis choisis, avec qui l’on partage ce que l’on veut. Et d’où l’on se retire quand on veut aussi.

Finalement, ce work-running, c’est le beurre, l’argent du beurre et la tartine qui tombe du bon côté. Les salariés courent, se font du bien et rigolent bien. Leurs managers, comme les RH approuvent au nom de la cohésion nécessaire des équipes et de leur bonne santé ainsi préservée. Et au passage, ce loisir reprend du galon sur le CV. Le candidat runner pourra même rappeler, lors de ses entretiens, les chiffres d’une étude canadienne : un salarié sportif est 12 % plus productif qu'un salarié sédentaire. 

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr 

Dessin de Charles Monnier

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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