CV trompeurs et candidats fliqués

Sylvia Di Pasquale

La guerre est déclarée. D’un côté de la ligne de front : les candidats. Tous des menteurs, du moins 75% d’entre eux, qui trompent leur monde par CV interposés. Et 90% d’entre eux qui trouvent ça normal. Face à eux, baïonnette au fusil et en première ligne : les recruteurs. Ils sont prêts à tout, se méfient de tous, passent les curriculums au détecteur de mensonges, observent les mimiques des candidats grâce à une webcam moucharde. Résultat : une incompréhension réciproque qui devient mépris. La faute à qui ? La faute à celui qui dit. Que c’est le candidat qui a commencé à gruger. Que c’est le recruteur qui a commencé à fliquer. Vous serez tous punis et me copierez 100 fois « je me comporte comme un grand et j’arrête d’embêter mes petits camarades».

Alors il est temps de siffler la fin de la récré. En lisant les résultats de la 7ᵉ étude du cabinet de recrutement Florian Mantione sur les CV trompeurs, dans laquelle 75% des candidats surévaluent le niveau de leurs responsabilités effectives, 64% mentiraient sur la durée de leurs postes et 34% revendiquent des diplômes qu’ils n’ont pas, on est juste frappé par l’ampleur de la cata. D’autant que, comme on l’a vu et selon la même étude, ce mensonge à grande échelle est accepté et jugé logique par 90% des candidats.

Evidemment, on peut abdiquer, se dire que tous les candidats sont des fourbes, d’ignobles individus qui ne pensent qu’à tromper le gentil employeur. Et c’est ce que pensent certaines entreprises qui dressent des barbelés et usent de tous les stratagèmes possibles pour éviter l’intrusion des malveillants. Comme celles qui filment les tests d’aptitude qu’elles font passer avant l’entretien d’embauche. Un système évoqué au dernier salon Solutions RH, qui détecte les hésitations, les atermoiements, et les petits mensonges possibles, du candidat.

Mais le recrutement, ses exigences et ses vérifications sont comme le dopage dans le cyclisme : une course sans fin. Quand les systèmes de détection deviennent de plus en plus pointus, les manières de les éviter deviennent de plus en plus sophistiquées. Une course à l’armement de part et d’autre. Et une responsabilité partagée de la faute de part et d’autre aussi. Evidemment, celui qui ment doit assumer sa forfaiture. Mais lorsque les entreprises ne cherchent plus dans leurs recrutements que des clones de salariés dont elles disposent déjà, ou des moutons à cinq pattes dont elles ne disposeront jamais, rien d’étonnant à ce que les candidats tentent de ressembler à ces portraits robots imaginaires. Quitte à prendre leurs distances avec la vérité.

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr – 2 avril 2013

Dessin de Charles Monnier © Cadremploi.fr

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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