À peine cinq ans à attendre. Cinq ans de bouchons, de transports en commun surchargés et d'open space collés-serrés. Après ? C'est chacun chez soi, enfin pour 50 % d'entre nous, en tous cas. C'est ce que vient de décréter le Centre d'analyse stratégique (CAS). En se basant sur de savants calculs, les statisticiens de cet organisme ont fixé la date de l'explosion du télétravail : ce sera 2015. Cette année là, la moitié des salariés français, principalement des cadres, pourront rester chez eux.
Alors, envie de rentrer à la maison ? Vu comme ça, de loin, on applaudit, et on fait les cartons. Adieu les inutiles déplacements, bonjour les économies de carburant, vive les bienfaits pour l'environnement, et le stress aux abonnés absents. Sauf qu'on est renâcleur comme c'est pas permis. Et qu'on se demande toujours ce que cache une bonne grosse nouvelle comme celle-là. Pas besoin du téléscope Hubble pour voir ce qui cloche dans celle que nous livre le CAS, puisque les anicroches sont dans l'étude elle-même.
C'est qu'il paraîtrait que les télétravailleurs sont quatre fois plus contactés par leurs supérieurs au cours d'une journée (par voie de mail ou téléphone) que les autres salariés. Et voilà notre belle image du cadre libre dans sa tête, dans son corps et dans son salon bien malmenée. C'est plus du télétravail, c'est de la résidence surveillée de cinéaste américain dans un chalet suisse. Mais après tout, la journée de télétravailleur n'est pas destinée à faire une machine de blanc, à passer l'aspi et à surveiller la blanquette.
Le cadre à domicile bosse. Au moins autant que ses compères au bureau. Voire plus. C'est que, toujours selon l'enquête, le travail de nuit et lors des week-ends, c'est pour sa pomme, beaucoup plus souvent que pour ses collègues "postés". En plus, l'accord national interprofessionnel signé par les entreprises en 2005 prévoit que les frais professionnels du télétravailleur (matériel informatique, connexion internet, téléphone, etc.) doivent être prises en charge par l'employeur. Or, pour le Centre d'analyse stratégique, cette situation, à priori logique, serait "relativement exceptionnelle". Beaucoup de télétravailleurs paieraient pour bosser.
Alors, toujours envie de rentrer à la maison ? Surtout que, outre les désagréments évoqués, ceux qui restent chez eux risquent d'être squizzés de pas mal de relations sociales formelles ou plus informelles. Se tenant éloignés de l'information officielle (le contact de visu avec ses supérieurs) comme officieuse (les bruits de couloir), beaucoup de choses lui échappent, et notamment les opportunités de promotion.
Alors encore envie de rentrer à la maison ? Parce que, non content de se farcir tous ces obstacles, le cadre dans son salon devra lutter contre un autre fléau : la jalousie des collègues. Tout ceux qui, englués sur le périf le maudissent. Tous ceux qui, aux prises avec un voisin d'open space hurleur, le haïssent. Alors que le télétravailleur tout seul chez lui, rêve de croiser quelqu'un entre le couloir et la cuisine où il va se faire couler un petit café. Vieux paradoxe.
Bon, mais on divague et il est déjà 21h30 ce dimanche soir. Il est temps de plier cet édito et d'éteindre cet ordi. Le week-end commence. Jusqu'à demain matin.
Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr - 6 décembre 2009
Illustrations © Charles Monnier Cadremploi

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.