Devenir chef sans virer ''petit chef''

Sylvia Di Pasquale

Dure semaine pour les managers : un documentaire sur les « petits chefs » diffusé la semaine passée sur France 3 et une étude ADP viennent enfoncer le clou dans le cercueil de la fonction à abattre : le cadre encadrant incapable d’encadrer. Et si les faiseurs de managers se posaient enfin les bonnes questions ?
Devenir chef sans virer ''petit chef''

C’est la curée. Incompétents, avides de pouvoir, toxiques, harceleurs, colériques : les managers seraient la cause de tous les maux, du burn-out au bore-out en passant par l’absentéisme, le défaitisme et le baissagedebrasisme. Il n’y a bien que le réchauffement climatique qu’on ne puisse leur attribuer. Et encore… On devrait bien pouvoir trouver des petits chefs amateurs de gros SUV excessivement émetteurs de CO2, donc coupables d’asphyxier notre planète.

 

Il semble que le métier de manager est devenu le plus honni du monde, à égalité avec celui de tueur à gages et d’homme politique.

 

Rien que la semaine passée, le documentaire « Petits chefs » diffusé  sur France 3 Ile-de-France  (et toujours disponible en replay) donne la parole à ceux qui les subissent au quotidien mais aussi – et c’est ça la bonne idée – à des « petits chefs » repentis.

Ensuite, une enquête, menée par ADP* en 2018 mais dont un nouveau volet vient d’être publié le 30 janvier dernier, enfonce le clou. On y apprend que 23 % des salariés considèrent qu'ils sont managés par des chefs toxiques. Le sondage a été réalisé auprès de 10 000 personnes vivant dans huit pays du vieux continent.

Comment a-t-on bien pu en arriver là ?

 

Propulsés sans filet à un poste de manager parce qu'ils ont réussi dans un autre qui n’a rien à voir.

 

La faute aux faiseurs de managers. Pressés de récompenser les "meilleurs", ils désignent des professionnels doués et remarqués dans l’exercice de leur métier. Mais un expert hors pair en vente n’est pas naturellement un chef des ventes remarquable. Peu ou pas formé, le voilà sommé de réaliser un grand dessein : souder ses troupes, rassembler ses collaborateurs et rendre aussi audible que crédible la stratégie de l’entreprise. Il faut basculer de la verticalité vers l’horizontalité, être leader sans diriger. Insuffler de l’autonomie, de la responsabilisation à des collaborateurs qui demandent tout et son contraire. Rien que ça.

Comment ? Avec quels moyens ? De la poudre de perlimpinpin ? C’est l’impression que donnent les témoignages des repentis du documentaire de France 3. Bombardés chefs, ils n’ont compris que trop tard que ce métier s’apprend.

Alors si votre manager vous donne une baguette magique et une tape dans le dos au moment de votre prise de fonction, demandez-lui – poliment mais fermement – une bonne vieille formation pour devenir manager. Et ce, dès le premier jour et pas une fois que vous aurez tenté et échoué. Car une fois dans le grand bain, il est souvent trop tard pour demander une bouée.

Comprendre sa propre personnalité est un pré-requis vital quand on endosser ce costume. Accepter que tout le monde ne fonctionne pas de la même façon dans son service vous évitera bien des colères. Mais le plus important pour un futur manager est de réaliser que plus rien ne sera comme avant et qu’il va falloir passer 30 à 50% de son temps à gérer de l’humain, à savoir consoler, encourager, calmer les humeurs des autres et remettre au travail. Tous ça, sans se plaindre. Tout ce qu'un manager devrait savoir avant de devenir manager.

* Enquête menée par le groupe américain de logiciels RH ADP,

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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