Et pourquoi le cadre n’aurait pas son agent comme au foot ?

Sylvia Di Pasquale

Et pourquoi le cadre n’aurait pas son agent comme au foot ?

Et si dans dix ans, le transfert d’un cadre était aussi médiatisé que l’arrivée de Neymar ou de MBappé au PSG ? Ce n’est pas seulement parce que la coupe du monde de foot occupe les esprits et les canapés ces temps-ci, mais parce qu’une étude récente* nous en apprend de belles sur l’explosion des salaires des ultra-qualifiés d’ici 2030. Il en manquera presque 18 millions dans le monde, en France, bien sûr, mais aussi en Allemagne et dans tous les pays industrialisés. La pénurie de talents sera partout, sauf en Inde. Alors, toujours selon l’enquête du cabinet de recrutement américain Korn Ferry, tout ce qui est rare étant cher, les salaires des cadres vont s’envoler.

Va-t-on bientôt assister au changement de business model de certaines entreprises ? Notamment dans la tech, la finance et même l’industrie, ces secteurs seront en manque cruel de compétences dans 12 ans. Ces entreprises pourraient connaître un glissement progressif de leurs bénéfices, à l’image du foot. Car si les clubs professionnels tirent une partie de leur chiffre d’affaires des droits télé, de la billetterie et des produits dérivés, ils gagnent aussi leur vie grâce au transfert des joueurs.

Imaginons…

Un cadre de 2030, ultra formé par sa boîte, a des envies d’ailleurs. Sauf que dans son contrat figure une clause de cession, comme dans celui de Neymar ou MBappé. Le col blanc vole vers son nouveau club, ou plutôt sa nouvelle entreprise, et hop, son ancien employeur empoche une plus-value (si elle l’a déjà acheté à une précédente entreprise) ou réalise carrément un gros bénéfice si elle l’a formé elle-même dans son centre de formation, ou plutôt, son vivier, sa high potential academy.

Évidemment, ces transferts délicats vont nécessiter des tractations tout aussi délicates. Et l’on verrait apparaître des agents de cadres, chargés non seulement de négocier les contrats, mais aussi de conseiller telle ou telle boîte à leurs poulains. De futurs employeurs à choisir en fonction des sommes en jeu, mais aussi de leur possibilité de croissance. Car à l’instar du foot, le joueur-cadre doit pouvoir miser sur le bon club-entreprise qui va déterminer la suite de sa carrière. Ce serait donc un changement de modèle pour les DRH mais aussi pour les cabinets de recrutement devenus agents.

Bien sûr, ces cadres hors du commun seront aussi rares que les footballeurs milliardaires. Ces spécimens monnaieront très cher leurs multi-compétences techniques, physiques et tactiques. Pendant qu’ils sauront démontrer leurs qualités collectives et leur résistance à la pression, d’autres qu’eux continueront de jouer en ligue 2, voire en club amateur. Comme au foot. Et le risque de cette redistribution des cartes est grand, car il risque de créer, plus encore qu’aujourd’hui, un monde du travail à deux ou trois vitesses. Comme au foot.

* Enquête « The Salary Surge » publiée le 21 juin 2018 par le cabinet Korn Ferry à partir des données de l’enquête « The Global tech Crunch »

@Syl_DiPasquale ©Cadremploi

Dessin de Charles Monnier

[Cet article est un éditorial qui reflète le point de vue de la rédaction. Le forum ci-dessous vous permet de le commenter ou d’apporter votre témoignage en lien avec le sujet évoqué, dans le respect des principes éthiques et de savoir-vivre (comprenant l’écriture avec un certain soin). Nous avons hâte de vous lire et vous remercions de votre visite.]

 

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

Vous aimerez aussi :