Et si on changeait de voisin de bureau ?

Sylvia Di Pasquale

Et si on changeait de voisin de bureau ?

Dans la catégorie des études frappées au coin du bon sens, la dernière livraison de la Harvard Business School mérite la Palme d’or. C’est que, selon les chercheurs de l’école, aidés par un éditeur de logiciels, lorsqu’un collaborateur est assis à côté du collègue adéquat, il bosse mieux. Voilà une révélation qui renverse tous les savoirs et secoue les fondements de la civilisation.

Mais qu’est-ce diantre qu’un "bon" voisin d’open space ?

Une créature belle comme un idéal, dont l’intelligence n’a d’égale que l’humilité, qui ne jure que par la valeur travail (à tel point qu’il abat le sien et le vôtre sans s’en vanter), vous laissant tout loisir de rire à ses blagounettes (car, en plus, cet être est délicieusement drôle) ?

Très certainement mais pas que.

Le bon voisin est, plus prosaïquement, l’inverse de vous, affirment les chercheurs. Si vous êtes adepte du vite-fait mal-fait, votre collègue devra être perfectionniste. Vous êtes au contraire peu productif mais la qualité de votre travail est légendaire, collez-vous dans les parages d’un productiviste.

Ainsi donc, on travaillerait mieux à côté d’un profil qui pallie ses défauts.  Et dire qu’on n’y avait pas pensé avant qu’Harvard et Cornerstone n’observent pendant deux ans, 2 000 salariés d’une boîte installée aux US et en Europe pour finir par le constater : la performance des salariés bien appariés est de 15 % supérieure à celle des mal assis.

Évidemment, on peut se moquer. Mais on peut aussi légitimement se demander s’il ne faut pas en finir avec les open space banalement organisés par service. Dans l’ère du management spatial, on disposerait les popotins en fonction des profils complémentaires de leurs propriétaires. Peu importe qu’il fasse le même métier. Ainsi, Augustine qui néglige régulièrement ses fiches clients parce qu’elle « préfère la vente à la paperasse » aura comme binôme Charles du service compta, alias le « psychopathe du formulaire ». Je vous laisse imaginer les bienfaits de leur colocation – si tant est que l’entreprise ait instauré la bienveillance et interdit les échanges de noms d’oiseau entre collègues.

Bien sûr, dans tous les immeubles de bureau du monde, certaines places sont plus sympas que d’autres. Du coup finissons-en aussi avec l’injustice de l’emplacement maudit. À intervalle régulier, tous les deux ou trois ans, tout le monde déménagerait. Du big boss au stagiaire, on ferait ses cartons, pour s’installer au sous-sol si l’on a eu la chance d’occuper le bureau parfait juste avant. Et puis, ce jeu de chaises musicales périodiques aurait un autre avantage : la fin de la routine.

Au moment où toutes les entreprises cherchent à insuffler une culture du changement, voici deux solutions pas chères qui permettent de bousculer les habitudes en douceur. Déplacer son pot à crayon n’est certes pas la solution pour faire basculer l’ensemble d’une organisation vers l’innovation. Mais les petits stabilos forment un ruisseau qui se jette dans le grand fleuve de la transformation.

@SylDiPasquale © Cadremploi

Dessin de Charles Monnier © Cadremploi

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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