Faut-il postuler dans une entreprise critiquée par ses boss ?

Sylvia Di Pasquale

L'un évoque un complot interne ourdi contre lui pour le faire tomber. L'autre étale sa rancœur envers les dirigeants en place. Que peut bien penser un candidat face à une entreprise plombée par ses anciens boss ?
Faut-il postuler dans une entreprise critiquée par ses boss ?

Ils ont le choix. Nombre de cadres ont aujourd’hui l’embarras du choix de leur prochain poste. Y compris de répondre à des offres d’emploi d’Air France-KLM ou de Renault-Nissan. Deux entreprises en pleines turbulences, deux modèles capitalistiques similaires et deux boîtes dont les patrons, ou ex-patrons, se retrouvent à critiquer leur entreprise par media interposés.

Alors la question est cruciale pour les cadres ou ingénieurs : faut-il tourner le dos à ces entreprises fragilisées par leurs leaders mais qui ont néanmoins une belle notoriété, une image internationale et des produits qui peuvent faire rêver ?

Autrement dit, faut-il juger une entreprise aux excès de ses gouvernants ? 

Concernant les présumés abus de Carlos Ghosn, ils sont en cours de jugement. Lui-même invoque un complot ourdi pour le faire chuter, alors qu’il avait le contrôle total de l’Alliance depuis 20 ans, mais aussi des trois principales marques qui la composent : Nissan, Renault et Mitsubishi. Ce qui donne au passage l’image d’une entreprise aux méthodes florentines où la bienveillance entre dirigeants est au mieux une joke, au pire une injure.

Dans un registre assez proche, la récente attitude de Hans Smits, président du directoire de KLM, est tout aussi édifiante. Ce dernier a attendu d’être à la retraite pour se précipiter vers une caméra néerlandaise et dénoncer une situation qu’il subissait depuis près de quinze ans sans en mot dire. Les dirigeants français d’Air France-KLM ? « Ils se soucient davantage d'assurer leur pouvoir que d'optimiser les profits », a-t-il déclaré au monde entier. Et l’ex-boss de rappeler, au passage, que KLM dégageait 80 % du bénéfice lorsque la co-entreprise en faisait, et que les pertes enregistrées depuis le début de l’année sont, de la même manière, surtout à imputer au Français du duo.

Des clous dans les trains d’atterrissage

Pire, la goutte d’eau qui aurait fait déborder le vase de rancœur de Hans Smits, et l’aurait poussé à livrer son fait sur la gouvernance du groupe ? Elle tient dans une simple anecdote : lors de la conférence de presse de présentation du bilan annuel du groupe au mois de février dernier, Benjamin Smith, le nouveau patron d’Air France-KLM, aurait refusé à trois reprises de serrer la main de Pieter Elbers, le nouveau patron (lui aussi) de KLM.

A quoi tient donc le destin de (très) grandes entreprises et, peut-être, celui de leurs (très) nombreux salariés : à l’ego de leurs patrons, incapables de voir les limites de leur pouvoir ou irrités par un geste ridicule.

Des boss qui devraient se précipiter sur le nouvel ouvrage d’Isaac Getz, Bob Davids et Brian M. Carney. Dans « Leadership sans ego » (Fayard), les trois chercheurs développent de nombreuses idées, sous la forme d’un abécédaire, pour sortir de la gouvernance des héros en solo, et entrer dans l’époque des leaders au service de leur équipe, et non au service d’eux-mêmes. Et l’un des auteurs de rappeler au passage, cette phrase d’un général américain : « à la guerre, c’est le général qui mange en dernier ». L’ouvrage n’est pas très cher et disponible dans toutes les librairies. Et même dans les aéroports.  

@Syl_DiPasquale ©Cadremploi

Dessin de Charles Monnier

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Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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