« Haka » des cadres

Sylvia Di Pasquale

C'est curieux le moral des cadres. Il décline ou progresse. Il se délite ou se redresse sans que l'on ne sache vraiment pourquoi. Tenez, prenez la 4ᵉ vague du baromètre Cadremploi.fr - LH2. Chaque mois, nous prenons le pouls des cols blancs, en jouant au plus finaud, en évitant la bonne tape dans le dos et l'invective du genre, « alors, mon brave, vous l'avez le moral ? » On tente de sonder le fond de la pensée de nos semblables en leur parlant de mobilité, de sentiment d'appartenance à leur entreprise ou en les faisant réagir par rapport à un sujet d'actualité. Une bonne manière, selon nous, de vérifier s'ils ont confiance en l'avenir. Ou pas.

Et justement, après l'été pourri que nous venons de traverser, après les objectifs de croissance qui perdent un quart de point tous les quatre matins et la crise de l'immobilier américain qui n'en finit pas de faire des dégâts, on pensait que nos sondés allaient toucher le fond du fond de la déprime. D'autant que la rentrée a pointé son nez avec ses corollaires fâcheux et habituels : factures, retour au boulot, chambre de bonne et études d'Arthur à financer. Lorsque ce n'est pas l'auto à changer, car elle n'a pas supporté le trajet de retour des vacances. De quoi effacer durablement le sourire des optimistes les plus indécrottables. Même l'hyper-président Sarkozy a perdu quelques points de satisfaction en ce début septembre. Pensez donc que l'on s'attendait à un effondrement général de la positive attitude.

La surprise au dépouillement en a été d'autant plus rude. Côté mobilité, une courte majorité (56 %) se sent parfaitement à l'aise dans son poste comme dans son entreprise. C'est grosso modo, ce que nous avions enregistré en mai et juin dernier. Du coup, nous avons évoqué avec eux le sentiment d'appartenance à leur entreprise. Et là encore, à l'époque du stress et de la pression maximum, ils sont 64 % à avouer une assez grande fierté de travailler pour l'entreprise qui les emploie. Les rivalités entre collègues ? Du pur fantasme pour 57 % d'entre eux. Leur société est avant tout une équipe portée par un intérêt commun. La vie au boulot ne serait qu'un XV néo-zélandais en pleine communion « haka ».

Evidemment, comme on ne nous la fait pas, on avait sorti notre analyse psycho à deux euros sur le mode de « l'entreprise dernier refuge quand tout va mal au dehors. » Et bien sûr, on avait tout faux. Car à la question d'actualité, concernant les déboires de la bourse liée aux événements américains, nos 400 cadres interrogés ont résolument positivés. Pour 91 % d'entre eux, cette affaire n'aura aucun impact sur l'avenir de leur emploi. Quant à leur portefeuille d'actions personnelles, ils ne sont que 13 % à l'avoir modifié suite aux déboires de Brongniart. Alors, évidemment, devant ce torrent d'optimisme, on cherche des explications. On se demande si on est en face d'une réelle confiance ou d'un total aveuglement...

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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