La fabuleuse légende des emplois vacants

Sylvia Di Pasquale

L'air est connu. Son refrain est bourré de rancœur et ses couplets sont aussi vieux que le travail. Selon cette rengaine, donc, nombre de chômeurs feraient les fines bouches, puisque nombre de jobs ne trouveraient pas preneurs, même en ces temps de crise. Entre 300 000 et 600 000 selon les organisateurs. C'est forcément vrai, puisque le gouvernement a crée l'offre raisonnable d'emploi qu'un chômeur ne saurait refuser.

Tout ça pour contrecarrer cette pénurie et, bien entendu  pour empêcher les chômeurs de verser dans leur habituel et naturel penchant : la fainéantise. Une idée aussi risible que répandue qui a poussé deux chercheurs du CEE (Centre d'études pour l'emploi) à se pencher sur ces fameux jobs dont personne ne voudrait. Et ils n'ont pas tardé à démonter la légende.

La démonstration de Yannick Fondeur et de Jean-Louis Zanda tient en quelques arguments frappés de rigueur scientifique mais aussi au coin du bon sens. D'abord, sur 13 millions de contrats de travail signés chaque année, il est assez logique qu'en moyenne 400 000 offres soient disponibles en même temps et ne trouvent pas preneurs instantanément. Tout simplement.

Ensuite, les deux économistes expliquent que nombre de recrutements supposés restent totalement virtuels. Et de citer l'exemple d'un appel d'offres auquel plusieurs entreprises répondent.  Pour arracher le marché, elles prévoient chacune un certain nombre d'embauches, mais au final, une seule recrutera réellement en attrapant la queue du Mickey. Les besoins des perdants seront néanmoins comptés comme besoins réels. Un emploi peut donc compter triple (voire plus), c'est béta. L'enquête pointe également le manque de recherches approfondies de certains recruteurs. Ils évoquent leur désir d'embaucher auprès de deux ou trois personnes et si leur quête reste sans réponse à ce stade, ils répètent à qui veut l'entendre qu'il est difficile de trouver du personnel.

Enfin, les chercheurs du CEE se sont penchés sur les fameux secteurs pénuriques et notamment les plus célèbres d'entre eux : l'hôtellerie-restauration et le BTP. Et de s'apercevoir que les problèmes de recrutement du bâtiment ont été résolus et, ce, pour une raison toute simple : sans main d'œuvre, les entreprises auraient périclité. Du coup, les conditions de travail ont été améliorées, les avantages sociaux augmentés, les salaires gonflés, et les candidats ont afflué. CQFD. Quant à la restauration, elle propose toujours des horaires pas possibles, pour des rémunérations pas possibles non plus. Peut-être parce que son souci d'emplois non pourvus n'est pas si critique qu'on le dit.

Illustrations : Charles Monnier © Cadremploi.fr

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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