La faille de Shanghaï

Sylvia Di Pasquale

Amis recruteurs et teuses, voici l'outil qu'il vous faut. Le truc infaillible pour savoir de quelle formation doivent être issus les super jeunes diplômés que vous allez recruter dès que vous aurez quitté la rabane, le sable fin et le dernier roman de Gavalda-Musso-Lévy. Et dire que vous cherchiez cette martingale depuis des années, celle qui allait vous fournir des palanqués de high potential et donner un coup d'accélérateur à votre carrière perso.

Ne cherchez plus, Cadremploi est là, qui vous l'offre avec cet édito spécial été, sans supplément. Cet outil de sélection à nul autre pareil vous épargnera toute déception et vous garantira le retour d'affection de votre direction. Attendez-vous tout de même à changer radicalement de point de vue sur la vie, l'école et ceux qui en sortent car voilà que se dévoile le cadeau tant espéré : le « Shanghaï 2010 », livré tout frais cette semaine.

Selon ce classement des meilleurs établissements mondiaux, les seuls Français qui sortent la tête (pensante) de l'eau sont Paris VI, Paris VII, Paris XI, Normale Sup. et Strasbourg. Inutile donc de vous diriger vers Jouy-en-Josas ou HEC, visez plutôt l'Alsace. Oubliez les ESC, finissez-en avec Centrale, et même avec Polytechnique qui pointe à la 201ᵉ place de ce palmarès mondial.

Voilà donc le score français pas fameux du plus fameux tableau d'honneur mondial des universités, réalisé chaque année par l'une d'entre elle : celle de Jiao Tong, à Shanghaï. Évidemment, il y aura toujours des esprits chagrins pour remettre en cause les critères de cette sélection chinoise qui fait largement causer d'elle depuis son instauration en 2003. Et qu'avancent ces indécrottables mauvais joueurs ? Que les critères de cette enquête sont pipés. Et qu'ils ne tiennent compte, en gros, que du nombre de prix Nobel ou de médailles Field (l'équivalent du trophée suédois pour les maths) obtenus par les chercheurs de ces établissements.

Surtout, ces mauvaises langues reprochent aux Shanghaïens de ne pas tenir compte de la qualité de l'enseignement des écoles. Comme si ce critère pouvait être de quelque importance. Comme si les bons étudiants étaient ceux qui avaient reçu un bon enseignement distillé par de bons profs. Allons donc messieurs, un peu de sérieux et rendez-vous à l'évidence. Un établissement d'enseignement supérieur digne de ce nom, c'est celui dont les enseignants courent les congrès internationaux, publient des articles brillantissimes et s'en vont décrocher des breloques à Stockholm. Avec un tel emploi du temps, ils n'ont évidemment pas une minute à perdre dans les amphithéâtres.

Évidemment, chers recruteurs et teuses, vous pouvez toujours continuer à embaucher selon ces critères ringards que sont la qualité de l'enseignement d'une école et la réussite professionnelle de ses anciens élèves. Mais ne venez pas vous plaindre par la suite en nous expliquant que vous n'avez aucun outil d'évaluation à votre disposition.

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr - 16 août 2010

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Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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