La France, mini-aspirateur à "talents"

Sylvia Di Pasquale

On adore les classements. C’est plus fort que nous, il faut que l’on sache absolument si l’on est plus doué que le voisin, en classe, au bureau ou au ping-pong. Pour ce qui est de l’école, on est fixé depuis quelques jours grâce au fameux programme Pisa. L’affaire a beau exister depuis une quinzaine d’années, il aura fallu que la France se retrouve dans les tréfonds de ce très sérieux « Programme international pour le suivi des acquis » pour qu’il devienne une star.

Mais une mauvaise note en chasse une autre et après le bonnet d’âne hexagonal, voilà le Global Talent Competitiveness Index, GTCI de son petit nom. Certes, intituler un classement « indice global de compétitivité des talents » n’aide pas vraiment à comprendre de quoi il en retourne. Ses quatre termes laissent supputer qu’il ne doit pas évaluer les talents culinaire, artistiques ni d’humoriste du vulgum pecus. En fait, ce « machin » est destiné à mesurer l’effort de 103 pays à travers le monde en matière d’éducation, comme son frangin Pisa. Mais GTCI va plus loin en évaluant la capacité des États à attirer et retenir les talents. Un gros boulot donc et, pour y parvenir, une coalition internationale a été formée. Aux côtés de la Française Insead, on retrouve le groupe suisse Adecco et un organisme singapourien, le Human Capital Leadership Institute.

Du beau linge donc, pour un résultat qui, forcément, va ébranler toutes nos convictions et modifier en profondeur les fondements de notre société millénaire. Fébrile, on se jette sur les conclusions de la vaste enquête pour y apprendre, tout d’abord, qu’il « existe une très forte corrélation entre le PIB d’un pays et l’indice des talents ». Et dire qu’on croyait mordicus qu’un pays pauvre comme la Somalie était un gros pourvoyeur de prix Nobel. À peine remis de cette découverte, on apprend aussi que ce sont les pays qui font le plus d’efforts pour attirer et retenir les talents qui sont en pointe en matière d’innovation. Ignares que nous étions pour croire qu’un État qui fait fuir tous ses scientifiques était recordman du monde en dépôt de brevets.

Les grands chercheurs penchés sur les talents du monde n’auraient donc accouché que d’une souris légèrement vêtue d’un manteau de généralités ? Vérifions avec le Top 10 des bons élèves : ces pays qui font le plus d’efforts pour former, garder et attirer les fameux talents. Et là, les hautbois sonnent et les musettes résonnent. Sur les dix pays du haut du pavé, huit sont européens. À part Singapour et les États-Unis, ils sont tous de chez nous. Bon, d’accord, il s’agit de la Suisse, du Danemark, de la Suède, du Luxembourg, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de la Finlande et de l’Islande. La France n’y figure pas. Elle est reléguée à la vingtième place. On peut se dire que le score n’est guère brillant. Mais on peut aussi considérer que l’Hexagone n’est pas si mal loti, qu’il est même devant le Japon. Et que l’Allemagne, ce chouchou de la classe Europe, n’est pas très loin, à la 16ᵉ place et ne figure pas non plus dans le Top 10. On se console comme on peut.

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr – 9 décembre 2013

Dessin par Charles Monnier © Cadremploi.fr

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Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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