La (future) revanche des coworkers

Sylvia Di Pasquale

La (future) revanche des coworkers

Et si la revanche des cadres venait du « coworking » ? Du quoi ? En bon français, du travail en bureaux partagés, autrement appelé « tiers-lieux ».  Cette dénomination franco-officielle n’évoque pas grand-chose, surtout pas ces bureaux destinés avant tout aux travailleurs indépendants et aux autoentrepreneurs qui démarrent. Mais aussi aux nomades d’une heure, d’un jour ou de toute l’année qui, plutôt que de subir des kilomètres de bouchons et d’aller-retour entre la maison et le bureau, préfèrent bosser près de chez eux.

Pas ce soir, ni demain, mais dans quelques années, lorsque la France d’après-demain aura dessiné un autre aménagement du territoire, et même une inversion des valeurs et des privilèges. En 2050 peut-être, les cadres experts, et certains employés télétravailleront ou coworkeront à la campagne, pendant que leurs managers et les cadres dirigeants de leur boîte, devront vivre près de l’entreprise, près des grands centres de décision, dans un univers de bouchons et de pollution.

Car lassés d’espérer que la bonne vieille France jacobine cesse d’être ultra centralisée et que les entreprises se mettent au vert, leurs salariés risquent de prendre la poudre d’escampette. À cause de l’immobilier hors de prix et de la saturation qui y sévit. Alors, les boîtes feront avec, et contre mauvaise fortune bon cœur, tenteront de grimper dans le train de l’exode de leurs collaborateurs en le finançant.

Et à propos de train, c’est la SNCF qui est en train de leur donner un coup de main. Les petites gares de nos provinces sont sous-employées ? Elles pourraient bien se transformer en lieux de coworking que les employeurs pourront louer pour leurs salariés.

En ajoutant à cette cohorte d’éloignés résidentiels tous ceux qui sont en déplacements fréquents, voilà de quoi remplir ces tiers-lieux ferroviaires.

L’initiative démarre en ce moment en Aquitaine, où la SNCF a lancé un appel d’offres pour mettre en place de tels espaces dans 34 gares. Vu le nombre, le phénomène va évidemment toucher de petites communes et non pas seulement les grandes agglomérations comme Bordeaux, Poitiers ou Limoges. De Saint-Yrieix-la-Perche (7 000 habitants), à Puyoô (1 200 habitants), en passant par Labouheyre (2 700 habitants), le phénomène sort réellement des centres d’attractions où les entreprises se concentrent.

D’autres initiatives, dans d’autres gares et d’autres coins de France sont en cours, dans le Pas-de-Calais ou à l’extrême Sud de l’Île-de-France. Des expériences qui dessinent sans doute la France de demain. Celle d’une autre manière d’envisager la vie au boulot et la vie tout court. Celle d’une désertification urbaine, où les dirigeants de centre-ville manageront des troupes de périphéries. C’est déjà le cas. Sauf que les troupes en question s’épargneront les trajets fastidieux et seront enviées par leur boss. Une inversion des privilèges.

 

@Syl_DiPasquale © Cadremploi

Dessin de Charles Monnier

 

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

Vous aimerez aussi :