La ménagère high potential

Sylvia Di Pasquale

C'est une honte internationale. Un truc qu'on n'avouera jamais. Surtout pas à un recruteur. Comment ? quoi ? On s'est permis un break de carrière ? Une coupure sur le sentier de la gloire ? Une ou deux années sabbatiques, voire plus, pour s'occuper de la maison, des bambins, de son mari, et du stretching ? Des moments qu'on a adorés. Mais qu'on est prié de garder pour soi. Ne surtout rien dire, jamais, même sous la torture. Une rubrique « femme au foyer » sur un CV et c'est le gadin assuré à la première candidature.

Combien sont-elles, les ménagères de moins de 50 ans qui souffrent de cette On ne sait même pas. Et les statisticiens ne le savent pas non plus, les reléguant dans la case « inactives », avec les retraitées et les étudiantes. Et voilà qu'enfin, du fin fond de l'Angleterre, une bonne nouvelle pourrait bien leur redonner, sinon de l'espoir, du moins une meilleure estime d'elles-mêmes. Les housewives de la perfide Albion, réunies sous la bannière d'un site communautaire se sont demandées combien elles valaient. 4 000 d'entre elles ont joué le jeu et ouvert leur agenda démentiel. Résultat : s'il fallait rémunérer chaque tâche au prix du marché, ces dames devraient toucher un salaire mensuel de 3 300 euros pour assurer baby sitting, ménage, cuisine, soutien scolaire, repassage et autres joyeusetés neuf heures par jour et sept jours sur sept. Pas mal. Surtout si l'on compare cette somme au salaire moyen des cadres français calculé par l'Insee et qui s'élevait, en 2007, à 3 530 euros par mois. Pas vraiment de quoi rougir si on considère qu'en plus les femmes sont moins bien payées que les hommes.

Mais cette étude n'est pas seulement intéressante en terme de pépètes virtuelles. Elle éclaire bigrement sur les compétences de ces femmes réputées« sans travail ». Car elles ressemblent à s'y méprendre à celles exigées chez les high potential aujourd'hui. Une bonne capacité de travail ? Nos ménagères s'enquillent 63 heures de travail par semaine sans broncher. Une autonomie sans faille ? Nul besoin de les chaperonner, elles savent s'acquitter de leurs tâches et j'en connais qui se donnent même des objectifs, histoire de pimenter le quotidien. Une gestion du temps irréprochable ? Evidemment, les reines du domestique sont capables, et obligées, de traiter plusieurs affaires en même temps. Gérer des personnalités difficiles ? Non contentes de manager leur couvée, souvent plus ingérable qu'un bataillon de collaborateurs plus ou moins motivés, elles sont passées maître en désamorçage de conflits. Certaines femmes au foyer ne sont rien moins que des hyperspécialistes doublées de manager hors pair.

Evidemment, tout cela est bel et beau. Mais quand elles se présentent sur le marché du travail pour faire valoir leurs talents, elles doivent faire face aux sarcasmes des recruteurs(es). Pourtant, le ciel semble s'éclaircir. Car du côté des messieurs trentenaires, la situation s'améliore. Selon une autre étude, commanditée par l'agence conseil Equilibres à l'institut LH2, il semblerait que 33 % des hommes managers osent des renoncements professionnels pour s'occuper de leurs familles. 52 % avouent jouer les équilibristes pour ne pas laisser leur compagne assumer seule les contraintes domestiques. Une bonne nouvelle pour les filles qui veulent tout : la vie de famille et le boulot épanouissant. C'est sans compter sur le temps qui passe. Car selon la même étude, les hommes se voient comme des pourvoyeurs de revenus dès qu'ils ont atteint la quarantaine. En d'autres termes, ils font bouillir la marmite pendant que Bobonne s'occupe de la logistique. Chassez l'aspirateur et les réunions de parents d'élèves, ils reviennent au galop...

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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