La Silicon Valley invente l'avantage contre nature

Sylvia Di Pasquale

Quelle excellente idée. Bien mieux que de leur offrir une voiture de fonction, Facebook et Apple remboursent à leurs salariées la congélation de leurs ovocytes. Une prime de 20 000 dollars pour renvoyer les layettes aux calendes grecques. Les féministes américaines applaudissent, y voyant une avancée du même tonneau que la contraception. Une révolution  pour ne plus choisir entre carrière et enfants.

Tim Cook et Mark Zuckerberg seraient donc les nouveaux chantres de la cause féminine. Le boss de la pomme et le roi des réseaux font faire un pas de géant à l’égalité hommes-femmes en entreprise. D’autant qu’ils avaient un gros problème sur les bras : comment attirer suffisamment de filles dans leurs équipes mais surtout comment les rentabiliser ? C’est vrai quoi, à peine embauchées, les voilà qui s’en repartent pendant plusieurs mois faire des enfants. De quoi chambouler toute la belle machine organisationnelle qu’ils ont réussi à mettre en place, pendant de trop courtes journées et de très longues soirées, alors que leurs femmes les attendaient sagement sur le pas de la porte de leur magnifique villa de la Silicon Valley, avec leurs bambins dans les bras.

D’où cette idée géniale. Une idée qui coûte cher, évidemment. Mais de cette manière, au moins, elles postuleront plus nombreuses (elles ne représentent qu’un tiers des salariées actuellement) et repousseront leur envie d’enfants à plus tard. D’ici là, Apple et Facebook auront bien le temps de les essorer et, qui sait, d’ici là, leur mari aura peut-être réussi une brillante carrière et elles pourront, elles aussi, rester dans leur belle maison ceinturée de beau gazon.

Une chouette idée surtout pour les boîtes qui les mettent en place. « Une manière de soumettre les femmes aux règles du marché, » comme l’affirme l’économiste Hélène Périvier aux Inrocks. En 1967, toutes celles qui soutenaient le regretté Lucien Neuwirth dans sa lutte (réussie) pour imposer la légalité de la pilule contraceptive proclamaient qu’elles voulaient des enfants « quand elles le souhaitaient ». Aujourd’hui, c’est quand l’entreprise le souhaite.

@Sylvia Di Pasquale

Illustration © Charles Monnier

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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