L'expérience est tentante, sonnante, trébuchante, et peut s'avérer consolante. « Ah, ils m'ont refusé l'augmentation que je méritais ? Ils vont voir ce qu'ils vont voir.» Cette menace, vous êtes un sacré paquet à l'avoir formulée les dents serrées. Et à être entrés en résistance : « Finis les horaires à rallonge. Mes compétences, je vais les monnayer à d'autres entreprises le soir, le week-end et pendant mes RTT.»
Signe que vous êtes passés à l'action ? Depuis le début de l'année, 145 300 personnes se sont inscrites au nouveau régime de l'auto-entrepreneuriat. Et parmi eux, vous : plus de 36 % de salariés. Des adeptes de la multiactivité qui ont flairé la martingale car ce régime est compatible avec la plupart des activités salariées. Depuis le 1ᵉʳ janvier, il suffit d'une simple inscription en ligne pour donner un statut légal à son 2ᵉ job exercé en indépendant à temps partiel tant que l'on ne dépasse pas 32 000 euros de chiffres d'affaire dans l'année.
C'est gratuit, rapide et que l'on soit instituteur, étudiant, cadre, retraité ou scaphandrier, tout le monde peut se lancer. Finie la fastidieuse inscription au Registre du commerce et des sociétés ou au Registre des métiers et les obligations qui vont avec. Côté charges, celles-là même qui font pleurer tous les entrepreneurs de l'Hexagone, elles équivalent, pour un bon revenu principal et décent, à celles que verserait un salarié standard. Et tripette pour un revenu de complément.

Du coup, le dispositif connaît un succès inespéré. En 4 mois, il a largement dépassé les espérances d'Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du Commerce, de l'Artisanat et des PME et papa du dispositif, qui ne prévoyait que 200 000 volontaires, tout au plus, pour toute l'année 2009. Le chiffre devrait donc exploser, tout comme la popularité du ministre dans les open space. Les cadres font du conseil en dehors des heures de bureau, les commerciaux vendent en dehors de leurs périmètres, et les retraités se remettent au travail en dehors des horaires de « Questions pour un champion ». Tout cela est fort bon pour les fins de mois de tous ces gens, mais aussi pour les entreprises qui les paient, par le biais d'une simple facture. Tout le monde est content.
Sauf que le succès de cette formule cache un drôle de chambard, qui ne semble, étonnamment pas émouvoir nos centrales syndicales pourtant promptes à se crisper à la moindre entaille au code du travail. L'avènement de l'auto-entrepreneuriat, sa généralisation et son manque d'encadrement, s'il persiste, pourrait bien empiéter sur le bon vieux salariat. Devinette : un employeur a le choix entre a) recruter un salarié pour une mission ponctuelle, se plier aux procédures légales et payer des charges b) recourir à un auto-entrepreneur, sans charges patronales et sans aucune législation à respecter quand il mettra fin à son contrat, pardon, sa prestation. Quelle solution croyez-vous que le chef d'entreprise choisira ?
Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr - 27 avril 2009
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