Le cadre a les chocottes. C'est ce que nous apprend le 5e baromètre Cadremploi/Ifop « le regard des cadres sur leur situation au travail » (1) qui débarque tout frais tout chaud en ce mois de juin 2010. Mais un institut de sondage doit savoir rester poli. Et user de termes feutrés. Alors, quand l'institut nous a livré ses résultats, il y a mis les formes, pour n'effrayer personne. C'est ainsi que la très large et très écrasante majorité des cadres interrogés seraient, selon l'Ifop, sous le coup « de tensions liées au contexte économique qui demeurent fortes sur le marché ». Tensions fortes ? Nous, on dirait plutôt que 75 % de cadres ont le trouillomètre sous le niveau de la mer et que leur moral est tombé dans leurs tongs.
Les cadres n'ont pas tous perdu leur emploi, très loin de là, et 34 % d'entre eux nous affirment même avoir été augmentés cette année. Mais raisonnable ou pas, cette peur est d'autant plus forte qu'elle est née de la surprise, comme un uppercut décroché au moment où le boxeur veut serrer la main de son adversaire.
C'est qu'on nous avait dit que c'était fini. C'est simple, de Noël dernier jusqu'à ce printemps, le seul leitmotiv, c'était la sortie de crise. C'était plié, les banques étaient renflouées, les Madoff entaulés et les salariés sauvés. On ne pariait pas sur le retour, ou non, de la croissance, mais sur le taux fabuleux de celle-ci.
Et voilà que déboule la Grèce, et le risque de notations pourries pour tout le monde, et la crise des déficits publics, et les plans drastiques en Espagne et en Allemagne, et la retraite qui s'éloigne, et la météo pas terrible, et les 100 milliards qu'il faut économiser d'ici trois ans, et les Français qui se font sortir à Rolland Garros et les Bleus qui démarrent moyen au sud de l'Afrique. Résultat : tout le monde fouette sévère et les cols blancs sont comme tout le monde.
Sauf que, plutôt que de se morfondre, ils pensent aux lendemains qui rechantent, même s'ils se planquent en attendant. Tenez, ils ne seraient que 31 % de candidats éventuels au changement de boite. Et 11 % seulement cherchent réellement un autre emploi. Mais ils sont 63 % à avoir crée un profil sur un réseau social et presqu'autant à utiliser les services d'un site emploi. Contradiction ? Attentisme et rêverie plutôt. S'ils sont sur Facebook, ce n'est pas pour échanger des recettes de tiramisu avec les collègues, et s'ils scrutent les offres chez nous, ce n'est pas pour vérifier qu'elles sont rédigées sans fautes d'orthographe.
Ils guettent les beaux postes et se tiennent au parfum d'un marché changeant. Pas forcément pour prendre le risque de s'engager quand une offre leur correspond. Pas maintenant, pas tout de suite. Ils rêvent d'ailleurs sans y aller. Pour l'instant, ils restent masqués. D'ailleurs, ils plébiscitent comme personne le CV anonyme. Pas parce qu'ils ont peur d'être discriminés, mais parce qu'ils craignent plus que tout d'être reconnus.
Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr - 14 juin 2010
Découvrez les résultats complets du 5e baromètre Cadremploi/Ifop « Le regard des cadres sur leur situation au travail » - Juin 2010
Et vous ? Comment vous situez-vous par rapport aux résultats de ce baromètre ? Vos analyses, vos témoignages sont les bienvenus sur ce forum.
Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.