Le coup de la re-masculinisation des titres

Sylvia Di Pasquale

Pour faire évoluer les mentalités, il ne faut surtout rien changer. Cette absurdité semble avoir le même effet sur Magdalen Formanowicz que l’étoile du berger sur les rois mages en Galilée. Celle d’un guide, qui a éclairé cette universitaire de Varsovie tout au long de l’étude qu’elle a menée. Son idée ? Demander à des cobayes (hommes et femmes) d’évaluer des CV pour des postes de top management. L’embrouille, que ces recruteurs pour de faux ignoraient, c’est que certains titres des CV de certaines filles étaient féminisés, « directeur » devenant « directrice » et d’autres non. Résultat : quand l’intitulé du poste était au masculin, les CV sont sortis plus souvent gagnants que les autres.

Et notre universitaire d’en conclure, dans une interview donnée au Daily Mail, que « les femmes dont le titre est masculin n'ont guère de souci à se faire puisqu'elles maintiennent le statu quo culturel ». Autant le persévérer dans ce cas, autant remasculiniser tous les postes, autant demander à Christine Lagarde de redevenir « directeur » du FMI, et à Angela Merkel d’abandonner son titre limite ridicule de « Chancelière ». Une chancelier et une directeur, ça vous aurait un autre panache et un autre maintien du statu quo culturel.

Mais les femmes ambitieuses qui souhaitent grimper à l’échelle sociale dont les derniers barreaux sont très peu féminins peuvent aller beaucoup plus loin. Un entretien de recrutement ? Le costard trois pièces s’impose, puisque la jupe est clivante. Un discours à une tribune internationale ? Avec une voix grave et les cheveux courts, il en aura beaucoup plus d’impact. Et tant qu’on y est, laissons-nous pousser la barbe.

Nier la féminité pour faire avancer la cause des femmes en entreprise comme dans les cercles du pouvoir, semble donc, selon l’université des sciences sociales de Varsovie, la meilleure manière de faire avancer la cause de femmes. Puisque, selon l’étude, les dames qui féminisent leur titre seraient perçues comme trop féministes par des messieurs un poil conservateurs. Mieux vaut donc rassurer et conforter ces derniers, plutôt que de transformer leur façon de penser. Et celles qui prétendent que stagner c’est régresser, doivent être d’affreuses harpies castratrices, manipulatrices et qui méprisent les hommes. Forcément.

Sylvia Di Pasquale, rédacteure en cheffe © Cadremploi.fr – 11 février 2013

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Dessin de Charles Monnier © Cadremploi.fr

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Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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