Le Mondial de la méthode Coué

Sylvia Di Pasquale

Certes, on peut se demander quel peut bien être le point commun entre Christine Lagarde, le gouvernement qu'elle représente et le Mondial de l'automobile qui vient d'ouvrir ses portes au grand public. En dehors, bien sûr, de la visite de la ministre de l'Economie dans les allées de la Porte de Versailles samedi dernier. Leurs atomes crochus sont plutôt à chercher ailleurs, dans une certaine confiance affichée - mais toute relative - dans les capacités de la France à lutter contre la crise financière d'un côté et contre la dégringolade industrielle annoncée de l'autre. Une méthode Coué appliquée à la finance comme à l'industrie automobile.

Car il est étonnant de constater comment, au plus fort d'une crise environnementale, pétrolière et financière qui touche la bagnole plus que tout autre produit, les stands de la porte de Versailles, comme les hommes qui les dirigent, affichent un optimisme légèrement outrancier.

Selon nos envoyés spéciaux au Mondial de l'automobile, tous les constructeurs se sont mis au vert. C'est la couleur dominante de leur stand et le mot d'ordre livré en pâture aux visiteurs qui admirent leurs concept-cars. Mais c'est loin d'être la couleur de leurs comptes d'exploitation ou de leurs voitures de série. Ce qui n'empêche nullement Carlos Ghosn d'évoquer en long et en large, son prototype électrique Renault ZE Concept, dont la commercialisation pourrait éventuellement commencer vers 2011, sous une forme qui serait très vaguement celle dévoilée à Paris. Rien que du concret, du solide et de l'immédiat, donc.

Christian Streiff, Pdg de PSA fait encore plus fort en expliquant, sans rire, que dans le domaine de l'hybride, « Peugeot et Citroën ont une longueur d'avance ». Sous le seul prétexte que son prototype à lui, une berline compacte hybride, marie une turbine électrique et un moteur diesel. C'est faire peu de cas de la Toyota Prius, dont les premiers tours de roues remontent à dix ans, et de la Honda Civic Insight qui sera commercialisée au printemps. Bon sang, mais c'est bien sûr : les hybrides nippones roulent au sans-plomb, pas au diesel. Voilà qui révolutionne fondamentalement l'automobile.

Quant à la commercialisation éventuelle de la merveille sochalienne, là encore, il faudra patienter jusqu'en 2011.

Mais ces tâtonnements n'ont pas empêché Christine Lagarde, à l'issu de sa visite au Mondial (qui évitait soigneusement les fameux stands japonais), de saluer « l'effort considérable des constructeurs automobiles, français en particulier, pour nous préparer au monde de demain ». Certes, on peut, encore et toujours, tenter de se rassurer en regardant de l'autre côté de l'Atlantique. En se disant, comme pour la crise financière, que ça se passe mieux chez nous.

C'est vrai que les big three de Detroit (Ford, Chrysler et General Motors) ont connu des jours meilleurs et que les pertes d'emplois qu'ils subissent sont près de dix fois supérieures à celles de nos deux constructeurs. Les ouvriers de Ford Aquitaine, dont les emplois sont menacés, sont d'ailleurs venus le rappeler bruyamment et par centaines sur le stand Ford à Paris.

Sauf qu'à se rassurer ainsi, on risque de perdre de vue que l'automobile hexagonale pourrait bien affronter une crise tous azimuts. On l'a vu, le retard pris dans les nouvelles technologies est important. Mais il l'est également en matière de qualité de produits et de tarifs. Alors même que nos bonnes vieilles autos françaises sont garanties deux ans, certaines coréennes, sûres de leur fiabilité, offrent sept ans de couverture. Pour des prix inférieurs. Un détail ? Pas pour les parts de marché de la production française. Pas pour les 1 000 employés de l'usine de Sandouville sur le départ. Pas pour les 500 000 personnes travaillant, d'une manière ou d'une autre dans la filière automobile.

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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