Basher les cadres français : nouveau sport anglo-saxon

Sylvia Di Pasquale

Tiens, la chasse est ouverte. Le french bashing, connaît ces temps-ci un joli succès chez nos amis anglo-saxons. Et de tirer à gros boulets pas très finauds sur nos mœurs en matière de temps de travail, de temps de vacances, et de temps de vivre.

La dernière salve en date est américaine et signée Cadillac. Le constructeur lance une auto hybride. Pour la mettre en scène, les publicitaires de cette filiale haut de gamme de General Motors, ont une sacrée bonne idée. Un scénario de pub infaillible pour déclencher la poilade dans les canapés du Midwest : se moquer des frenchies. Dans le spot, un cadre s’adresse aux téléspectateurs. Il leur explique, dans le décor de sa magnifique villa où il croise sa magnifique femme et ses magnifiques enfants avant de rejoindre sa magnifique voiture, que pour posséder tout ça, il faut bosser dur et se contenter de quinze jours de farniente par an. Surtout, il ne faut pas faire comme certains : boire des coups après sa trop courte journée de boulot et partir en vacances durant tout le mois d’août. En grimpant dans sa voiture, il s’adresse à la caméra, pour conclure, en français dans le texte, d’un « n’est ce pas ? » Histoire de bien surligner de quels hurluberlus il se moquait.

L’autre offensive est anglaise. Elle se déchaîne contre une mesure que la CFDT et la CFE-CGC voudraient généraliser : la déconnexion des outils numériques professionnels après le boulot, le soir et le week-end. Les pourtant sérieux et souvent pondérés The Independant, The Guardian et BBC embrayent en expliquant que « les Français viennent de rendre le travail illégal après 18h ». Et de se moquer « des bureaucrates français qui inventent des règles absurdes pour favoriser le non-travail ».

On ne va pas infliger à nos confrères britanniques et au staff de GM un laïus sur le modèle social hexagonal. Mais on peut, néanmoins, rétablir quelques faits. En 2008, General Motors, la plus grande entreprise privée du monde d’alors était en dépôt de bilan. Une chute libre notamment liée au manque d’innovation. On travaille beaucoup, et plutôt bien chez GM ? L’entreprise est actuellement au cœur d’un énorme scandale qui implique jusqu’à son PDG Mary Barra. Le groupe est obligé de rappeler 6 millions de voitures défectueuses qui ont causé des accidents et sept décès.  

En ce qui concerne le travail illégal après 18h moqué par la presse britannique, il n’est tout simplement pas à l’ordre du jour. Dans la mesure prônée par les deux syndicats, et déjà adoptée par le Syntec, qui fédère les sociétés d’ingénierie et de conseil et le Cinov qui regroupe les bureaux d’études , les cadres de ces boîtes ont simplement le droit de ne plus répondre, et ne sont plus obligés d’envoyer des mails et SMS de boulot, une fois qu’ils ont quitté le bureau. Et ? C’est tout. On est plutôt loin de la révolution sociale fantasmée par les médias d’Outre-Manche.

Allez, on ne va pas se fâcher pour autant. Dirigeants de GM et journalistes anglais, venez plutôt boire un verre avec nous, en terrasse, après le boulot. On peut même convenir du lieu par SMS ou mail, puisque ce n’est pas un rendez-vous pro. Et puis, si vous n’êtes pas dispo ce soir, retrouvons nous à la plage ou à la campagne, au cœur du mois d’août. 

 

@Syl_DiPasquale

Dessin par Charles Monnier © Cadremploi.fr

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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