Le syndrome FoMO gagne l'entreprise

Sylvia Di Pasquale

Quoi ? Je ne suis pas de la réunion Chouquettes 2020 ? Comment, on ne m’a pas consulté sur le recrutement du stagiaire de l’accueil ? Ouf, heureusement que je suis dans la boucle du projet de changement du logiciel des notes de frais. Et que je vais m’incruster dans celle de l’appel d’offres Dugenou. Parce que je le vaux bien, et parce que je suis un FoMO.
Le syndrome FoMO gagne l'entreprise

Vous le reconnaissez ? Non, non, ce n’est pas un boss de start-up. Il ou elle est salarié.e dans une entreprise lambda. Et des FoMO comme eux, il y en a des millions, puisqu’ils proliférent. Le FoMO (Fear of Missing Out), ou la peur de rater quelque chose en français dans le texte, est un terme inventé par des psy il y a quelques années, pour décrire un syndrome hyper répandu dans nos sociétés hyperconnectées. Les premières victimes sont évidemment les addicts aux réseaux sociaux. Qui passent des heures à comparer leur vie à celles de leurs contacts. Ou les serial séducteurs et séductrices sur les sites de rencontres dont les ravages ont été si bien décrits par Helen Fisher et Esther Perel (voir leur video TEDx Technology hasn’t changed love. Here is why).

La faute à qui ?  A notre monde hyperconnecté, à l’ultra rapidité digitale de la connexion permanente, des réseaux sociaux omniprésents où chacun se flatte d’être ubiquiste, d’avoir ses indignations et un avis sur tout.

Et en entreprise alors ? Le syndrome FoMO se traduit par la peur de passer à côté d’un projet clé, ou grâce auquel il va pouvoir interagir socialement.

Ce salarié se considère comme un chaînon essentiel au bon fonctionnement de l’entreprise puisque, bien souvent, l’entreprise encourage son comportement sous couvert de « créativité », de « co-construction », et de « cassons les silos ». Sauf que tous les FoMO qui composent cette chaine sont en train de fragiliser l’entreprise.

Manageuse dans une petite entreprise de 200 personnes, Marie a repris une équipe de FoMO il y a un an : « Il m’a fallu beaucoup d’énergie pour convaincre mes collaborateurs qu’ils n’avaient pas à se mêler de tout. Leur syndrome FoMO se manifestait par la participation à des tas de projets en dehors du service. Ils étaient de toutes les réunions, même celles qui ne les concernaient pas et la productivité du service était proche du néant. Ils étaient devenus des zappeurs professionnels, des petites abeilles butineuses, toujours d’un projet à l’autre, sans prendre le temps d’en approfondir aucun, et en faisant perdre du temps à la boîte toute entière. »

Son arme fatale pour ramener un peu de bon sens dans tout ça ? « J’ai surtout identifié un profond manque de reconnaissance. En les aidant à être fier de leurs compétences, j’ai travaillé sur la confiance en eux et le goût retrouvé de l’expertise les a aidé à faire des choix. Et à me faire confiance pour valoriser leur travail. »

Il reste un domaine où les FoMO n’ont pas tous les maux, où ce zapping, cette manie de vouloir en être à tout prix a un intérêt. Lorsque l’on recherche du boulot, mieux vaut ne rater aucune opportunité. Un défaut qui, en ce moment, devient une qualité, vue l’inflation des postes cadres disponibles sur le marché.

Syl_DiPasquale

Dessin de Charles Monnier

[Cet article est un éditorial qui reflète le point de vue de la rédaction. Le forum ci-dessous vous permet de le commenter ou d’apporter votre témoignage en lien avec le sujet évoqué, dans le respect des principes éthiques et de savoir-vivre (comprenant l’écriture avec un certain soin). Nous avons hâte de vous lire et vous remercions de votre visite.]

 

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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