Les cabinets aiment les filles

Sylvia Di Pasquale

Le secteur n'est pas plus macho que les autres. Pas moins non plus. Dans l'audit et le conseil, comme ailleurs, la parité existe. A l'embauche. Après, lorsqu'il s'agit de gravir les différents grades, ça se dégrade.

Le secteur n'est pas plus macho que les autres. Pas moins non plus. Dans l'audit et le conseil, comme ailleurs, la parité existe. A l'embauche. Après, lorsqu'il s'agit de gravir les différents grades, ça se dégrade. Les manageuses de plus de cinq ans d'expérience sont minoritaires. Plus haut encore, les associées, (dîtes « partners », ça fait plus viril) sont entre 5 et 14 %, selon les cabinets. Et à l'étage des pontes, vice présidents et autres chairmen, on frôle le zéro absolu. Cette dominante de testostérone chez les consultants s'explique assez facilement. Le soir venu, ces messieurs vont tranquillement refaire le monde et leur stratégie de carrière au Balto en face du bureau, pendant que maman s'occupe des générations futures. Parfois, il faut le reconnaître, même les célibataires s'excluent du jeu, découragées par le poids du fameux plafond de verre qui les freine dans leur vitesse de progression vers les sommets.

C'est que pour progresser au pays de l'audit et du conseil, il faut reseauter sévère. Un sport qui se pratique au-delà des heures légales, à des moments où les femmes ont autre chose à faire, ce qui les exclut trop souvent de la cooptation classique. Une éviction qui n'a jamais empêché les comptes d'être vérifiés et les entreprises auditées. Mais ce joli monde rempli exclusivement de garçons riches et intelligents est peut être en train de disparaître. Car le client rechigne et la pénurie de main d'œuvre gagne.

A force d'entendre dire que les filles sont sérieuses, bosseuses, pragmatiques, pondérées et dotées d'une excellente capacité d'analyse, les entreprises ont fini par s'en persuader et réclament des consultantes. Et même si les clients ne sont pas intimement convaincus du surcroît de talents de ces dames, ils en redemandent. Car ça fait bien dans le paysage, ou parce que c'est une manière de pallier à leur propre retard côté parité. Bref, elles ont la cote dans l'audit comme dans le conseil et pas seulement parce que les clients les demandent. C'est que, selon une étude réalisée à travers tout le continent, les nouvelles normes comptables pourraient amener la création de 50 000 postes d'auditeurs à travers l'Europe. Pas à l'horizon 2020, mais d'ici trois ans. Evidemment, les effectifs de garçons ne suffiront pas à combler la frénésie. Nos énergiques cabinets semblent l'avoir compris : ils veulent des filles et tout de suite.

Dans le registre spectaculaire, PriceWaterhouseCoopers, en appelle carrément aux casques bleus. Le cabinet a signé le pacte mondial de l'ONU pour « promouvoir la responsabilité sociétale des entreprises » et a axé sa participation sur le leadership des femmes. Chez Accenture, on chouchoute les nouvelles, en les coachant tout spécialement. Pour les aider à exploser le plafond de verre, un comité de vigilance a été créé afin de vérifier la bonne parité des promos. Enfin, un réseau féminin a carrément été monté en interne.

On pourrait évidemment soupçonner que sous ce racolage intensif se cache un certain appât du gain, puisque les femmes sont moins bien rémunérées que les hommes en moyenne nationale. Mais dans ce domaine aussi, la pénurie de main d'œuvre pousse les cabinets vers les voies de la sagesse. Les salaires vont fortement évoluer dans les prochains temps. Un auditeur armé de trois ou quatre ans d'expérience dans un gros cabinet, pourrait ainsi voir son salaire évoluer en un an de 52 000 à plus de 65 000 euros. Soit 20 % d'augmentation en changeant d'entreprise ou pour éviter d'en changer. Soit 20 % d'augmentation pour tous les bons éléments. Filles comme garçons.


Lire également notre zoom spécial "Audit et conseil".

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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