Les cadres envoient la balle au centre

Sylvia Di Pasquale

C'est curieux. Voilà que la catégorie la plus chouchoutée des politiques, des industriels, des économistes et des sociologues renvoie tout ce petit monde dos à dos. Cette classe moyenne, et les cadres qui la composent, vient en effet d'être interrogée par nous-mêmes et par l'entremise de l'institut LH2 (1). Que nous dit cette population dans cette première vague de l'Observatoire Cadremploi.fr ? Rien que du bien déprimant.

La politique ? Dieu sait qu'au PS comme à l'UMP, le fonds de commerce est constitué de cette fameuse classe moyenne. Pas de bol. Pour elle, en gros, Ségo et Sarko, c'est kif-kif bourricot. Les favoris du premier round sont dans un mouchoir de poche (26% pour l'un et 24% pour l'autre). Celui qui émerge logiquement chez nos cadres persuadés que les clivages sont brouillés, c'est François Bayrou. Le chantre du centre s'offre un joli 31% et renvoie l'un à sa mairie de Neuilly et l'autre à ses marais poitevins. Ce choix d'un poulain affichant ce qui ressemble bigrement à de l'apolitisme est évidemment le signe d'un rejet des solutions mises en place depuis plus de vingt ans de part et d'autres. Mais c'est aussi une manière d'en finir définitivement avec l'idéologie, quelle qu'elle soit. Et puis, un tel vote, « ni-ni », c'est pratique. On peut l'afficher sans se fâcher, lors des discussions serrées autour du court sucré de la machine à café. Politiquement correct ? Peut-être, mais sans illusions. Pour vérifier, il suffit de demander aux cadres s'ils considèrent que les candidats favoris proposent des idées neuves et convaincantes pour lutter contre le chômage. La réponse est massive : à 84%, c'est non. Même le programme du candidat béarnais ne fait pas l'affaire pour eux. Il y a belle lurette que les cadres ne vivent plus au pays des Bisounours. S'ils déposent un bulletin de vote, c'est sans espoir de lendemains qui chantent.

Ce pessimisme envers la gestion de la vie publique n'a pas transformé pour autant l'entreprise, où nos interrogés travaillent, en havre de paix. La preuve par une autre question de notre baromètre où ils avouent à 36% avoir envie de changer d'entreprise.

Désillusion vis-à-vis des politiques et défiance envers l'entreprise mais ce n'est pas tout. Interrogés sur la parité hommes-femmes, les cadres estiment à 35% que leurs concitoyens ne reconnaissent pas les capacités d'une femme à diriger une entreprise. Un chiffre qui stagne à 34% chez les quinquas mais qui monte à 47% chez les 30-39 ans. Les illusions se perdent de plus en plus jeunes.


(1)L'Observatoire Cadremploi.fr, l'actualité vue par les cadres. 1ᵉ vague, avril 2007. Sondage réalisé par l'institut LH2 pour Cadremploi.fr auprès d'un échantillon national de 400 cadres, représentatif de la population des cadres résidant en France métropolitaine selon la méthode des quotas.

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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