Les cadres, futurs parias de l’assurance chômage ?

Sylvia Di Pasquale

Verra-t-on bientôt un comité de cadres en colère perturber une cérémonie de remise de prix façon intermittents du spectacle ? Le risque est minime, puisqu’un col blanc syndiqué et regroupé avec ses congénères est aussi rare qu’un zèbre vivant en solitaire. Pourtant, la négociation que viennent de conclure les partenaires sociaux sur l’indemnisation chômage vise très directement les cadres. C’est une rafale de mesures les concernant que le Medef, FO, la CFTD et la CFTC ont signé comme un seul homme. Seul la CGT (par réflexe) et la CFE-CGC (dans un élan légitime de corporatisme) ont refusé.

C’est qu’au menu de la nouvelle donne des indemnités, les cols blancs sont particulièrement soignés. Leur différé d’indemnisation, le fameux délai de carence ? Il pourrait être allongé au-delà des 75 jours actuels. Le plafond maximum de la somme qu’ils peuvent toucher ? Il serait abaissé à 3.592 euros bruts mensuels au bout d’un an alors qu’elles culminent aujourd’hui à 7.184 euros. Les sous qu’ils peuvent percevoir en attendant la retraite ? Ils risquent d’être ramenés à 1.500 euros par mois.

Evidemment, l’accord n’est pas finalisé, et pourrait encore être amendé avant que les partenaires se tapent dans la main et signent le parchemin. Mais quelle que soit la teneur du texte final, les conditions d’accès aux indemnités des cols blancs devraient être durcies. Pour une simple question de logique arithmétique. Les cadres restent toujours la population de salariés la moins exposée au chômage avec moins de 6% d’entre eux en recherche d’emploi. Un taux inférieur de près de moitié à celui des ouvriers et employés. En plus, les salaires des premiers sont supérieurs à ceux de ces derniers. Toucher à leurs avantages paraît donc inéluctable et, surtout, ne devrait pas susciter dans l’opinion publique un élan d’opposition massive.

Mais si la baisse du plafonnement des indemnités est parfaitement défendable, les autres mesures de rétorsion méritent peut-être d’être revues, et partiellement corrigées. Car tous les cadres ne sont pas égaux face à la baraka du plein emploi. Notamment les seniors, de surcroit les plus nombreux à être touchés par les licenciements économiques. Ces derniers risquent d’être victimes d’une double peine : voir le début de leur indemnisation chômage reculer en raison des sommes qu’ils toucheront en quittant leur entreprise. Et voir de surcroit leur allocation de fins de droit diminuer.

Il faut dire que les mesures sur lesquelles les partenaires sociaux se sont accordés sont, comme toujours dans pareil cas, rédigées de manière à régler un problème global, sans souci du détail. Une démarche logique lorsqu’il s’agit de prendre en compte le sort d’une masse indistincte : celle de millions de chômeurs. Une démarche incompréhensible pour les victimes de cet arbitraire.

@Syl_DiPasquale

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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