Les cadres restent en poste à l'insu de leur plein gré

Sylvia Di Pasquale

C’est un record historique. En six ans d’existence du baromètre Ifop/Cadremploi sur la situation de l’emploi, c’est la première fois que les cadres interrogés manifestent aussi nombreux leur volonté de changer de boîte. Ils sont 40 % dans ce cas, contre 34 % il y a deux ans. Et chez les moins de 35 ans, le score est plus important encore puisqu’ils sont 53 % à vouloir prendre le large. Dans le marketing et la communication, c’est carrément une envie massive, puisque 57 % ne pensent qu’à ça. Pire, toutes fonctions confondues, 58 % des cols blancs ayant 6 à 10 ans d’expérience souhaitent s’en aller.

Sauf que dans les entreprises, l’heure n’est pas vraiment aux cartons et aux pots de départ. Et c’est bien le paradoxe de ce baromètre : les cadres rêvent de changement, mais restent vissés à leur poste. 32 % d’entre eux ont refusé une proposition de poste. Pourquoi ? 56 % d’entre eux avouent qu’une rémunération trop faible les a fait reculer. Et 35 % d’entre eux invoquent le manque d’intérêt du poste proposé.

Des chiffres qui, évidemment, pourraient rassurer les DRH ravis de pouvoir conserver leurs troupes et qui n’auraient plus besoin de boucler les portes de l’open space pour éviter qu’elles ne prennent la fuite. Mais ils savent pertinemment que la décision de ces cols blancs de rester coûte que coûte à leur poste est un choix par défaut. Une décision bourrée de frustrations. Une escale faite d’attente d’ailleurs, avec la motivation en berne. Comment une entreprise peut-elle mobiliser ses cadres et les faire adhérer à son projet, s’ils passent leur temps à regarder par la fenêtre ?

D’autres leviers permettraient peut-être de soigner la peur. Car c’est bien cette crainte de l’incertitude qui transparaît, en filigrane, dans le refus d’obstacle des cadres qui ne réussissent pas à changer d’entreprise. La peur de l’inconnu et celle de ne pas retrouver ses billes en cas d’échec. Ce qui se comprend aisément. Pour y remédier, un peu, certaines entreprises font un effort. Rarement sur les salaires car les directeurs financiers ne se privent pas de rappeler aux DRH que les ponts d’or aux nouveaux, ça ne va pas le faire. En revanche, certains expérimentent la réduction de la période d’essai. Les 4 mois, voire 8 mois d’essai, sont ramenés à trois, pour que le démissionné, nouvel arrivé se sente en situation moins précaire. Et que, si la greffe ne prend pas, il puisse malgré tout toucher des indemnités de chômage. On peut aussi purement et simplement la supprimer, cette fichue période d’essai pour les cadres très expérimentés. Car, faut-il le rappeler, la loi ne la rend pas obligatoire.

@Sylvia Di Pasquale 

Illustration © Charles Monnier

L’intégralité des résultats du 13ᵉ baromètre Ifop/Cadremploi, paraîtra le 9/10. Étude réalisée du 4 au 15 septembre 2014 auprès d’un échantillon de 1 000 personnes, représentatif de la population cadre sous contrat de droit privé.

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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