Les cadres sont hâbleurs mais les cadres ont peur

Sylvia Di Pasquale

Dites donc, les cadres, vous ne seriez pas légèrement âpres au gain, égoïstes, mercenaires et enfermés dans votre tour d’ivoire de l’autocontentement ?

Attendez, ne partez pas. Ce gros tonneau d’invectives ne reflète pas notre intime conviction. Mais à la première lecture du 9ᵉ baromètre Cadremploi /Ifop, il y a de quoi vous voir ainsi.

C’est que, pour 72% des 1002 cols blancs interrogés, tout va bien. Qu’ils soient au chômage ou en poste, ils sont totalement optimistes en ce qui concerne leur emploi, ou leur futur emploi. Un score inchangé depuis un an. Pas la moindre brise de crise ne semble souffler au-dessus de leur bureau. Ce qui n’est d’ailleurs que la stricte réalité, car si les offres d’emploi cadres ralentissent, le taux de chômage de ces derniers atteint toujours des scores allemands, inférieurs à 5% selon l’Apec.

L’avenir ? Les destructions d’emploi massives ? La dette qui va tout emporter, l’euro, le boulot et le SUV de fonction ? Voilà quatre ans qu’on leur prédit le pire. Alors, à force de mauvais augures, les cadres misent sur du sûr. Ils observent leur petit baromètre perso : leur entreprise à eux. Elle est pérenne pour 79% d’entre eux, et l’ambiance au boulot, au sein de la boite comme de leur propre équipe est topissime.

Bien sûr, ils aimeraient gagner plus, estimant qu’ils valent plus. Une majorité d’entre eux (56%) n’a pas été augmentée cette année. Ceux qui l’ont été n’ont touché que 3,1% de fixe en plus en moyenne. Alors ils râlent et menacent de s’en aller voir ailleurs si les salaires ne sont pas meilleurs. 44% d’entre eux se déclarent « ouverts aux opportunités », comme on dit en langage châtié. Sauf qu’ailleurs, alors qu’ils pensaient décrocher 15,5% d’augmentation en moyenne, la feuille de paie est de la même teneur. Ils le découvrent au fil des entretiens d’embauche : 43% des fameux « ouverts à des opportunités » ont refusé un poste car que la rémunération proposée était trop faible.

Alors ils restent. De plus en plus longtemps. L’ancienneté moyenne des interrogés au sein de leur entreprise atteint 11,4 ans et 6,2 ans passés au même poste. Où est passé le modèle de carrière idéal ? Ce commandement qui exigeait un changement de boîte ou une évolution tous les 3-4 ans ? Disparu dans les limbes des années fastes.

Cette frilosité est un signe. Celui qui traduit non pas l’âpreté au gain des cols blancs et leur enfermement dans une tour d’ivoire, mais leur peur de l’avenir. Les cadres sont des salariés comme les autres, finalement.

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Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr – 9 juillet 2012

Dessin de Charles Monnier © Cadremploi.fr

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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