Les cadres veulent plus mais les entreprises restent sourdes

Sylvia Di Pasquale

On n'aimerait pas être à leur place. Du moins pas en ce moment. Car à la lecture de la 7ᵉ vague du baromètre Ifop/Cadremploi « Regard des cadres sur le marché de l'emploi », les DRH doivent traverser des nuits sans sommeil, en gambergeant sur la meilleure manière de chouchouter les cadres. Pour retenir ceux qui travaillent dans leur boîte, ou pour en embaucher de nouveaux.

C'est que, parmi les cols blancs interrogés, représentatifs des cadres sous contrat dans le privé, 41 % se sentent pousser des ailes et ont envisagé de quitter leur entreprise au cours des trois derniers mois. C'est beaucoup. On peut tenter de se rassurer, il reste près de 60 % de fidèles. Sauf que, le détail est encore plus inquiétant que le global. Car les jeunes de moins de 35 ans sont carrément majoritaires (55 %) à vouloir prendre la poudre d'escampette. Et la moitié des cadres qui travaillent plus de 55 heures y pensent aussi.

La faute à qui ? Au patron, pardi. Du moins à l'employeur-payeur qui ne rémunère pas nos cadres à leur juste valeur, selon eux. La preuve par cet autre chiffre tiré de l'étude. Il nous indique que, parmi ces futurs démissionnaires tentés par le changement, 31% ont même passé des entretiens d'embauche. Mais la moitié d'entre eux a refusé une proposition de poste. Pour quelle raison ? Sans surprise, c'est la faiblesse de la rémunération qui les arrête.

Loin, bien loin (40%) devant d'autres motifs comme leur doutes sur l'ambiance de travail (22%) ou le manque d'intérêt du poste (19%).

C'est donc ça. Si les cadres ont des ailes qui leur poussent à travers costumes et tailleurs, ce n'est pas tant que leur entreprise actuelle leur déplait. C'est tout simplement qu'ils s'estiment victimes d'une injustice. Ils ont bien été augmentés cette année, du moins 39% d'entre eux, contre 34% l'an passé. Mais ils ont touché moins de 4% d'euros en plus. Et comme on leur explique à longueur de pages, ici comme ailleurs, que l'économie repart, et que le chômage des cadres atteint un niveau de plein emploi, ils aimeraient bien en profiter eux aussi. C'est impossible dans leur boîte, alors ils s'en vont voir ailleurs. Ou visiblement ce n'est pas possible non plus.

D'où les sueurs froides de nos DRH. Ils doivent retenir des cols blancs qui restent par dépit, et en embaucher de nouveaux qui refusent de signer, car le salaire proposé est en dessous de celui qu'ils espèrent. On sait bien que les responsables des ressources humaines ne décident pas seuls des enveloppes salariales. Alors, pour les aider, on vous propose de forwarder ce message aux directeurs financiers, DG, PDG, conseils d'administration et actionnaires de votre connaissance : à moins de libérer les carnets de chèques pris en otages depuis octobre 2008, l'année 2011 risque d'être une annus horribilis pour tenir les objectifs de 169 à 181 000 recrutements de cols blancs prévus par les employeurs cette année.

Et le vivier des cadres au chômage répondront les gardiens des cordons de la bourse ? Les entreprises n'ont qu'à faire appel à eux pour pallier la pénurie. Sauf qu'avec seulement 3,7 % de cadres sans emploi, les DRH savent que cela ne suffira pas.

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr - 20 juin 2011

Tous les résultats du 7ᵉ baromètre Ifop/Cadremploi Juin 2011

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Dessin de Charles Monnier © Cadremploi.fr

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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