Les demandeurs d'emploi se lâchent sur le Net

Sylvia Di Pasquale

D'accord, c'est pas sympa de tirer sur une ambulance. Mais quand elle s'appelle Pôle emploi, qu'elle est en pleine restructuration, en pleine panique, en plein sous-effectif et en pleine surcharge à cause des plusieurs centaines de milliers d'inscrits supplémentaires, ça soulage. Surtout les chômeurs qui se lâchent grave, sur le Net. Ils témoignent des dysfonctionnements du gros machin, du mur d'incompréhension auquel ils se heurtent et de la kafkaïenne organisation à laquelle ils se cognent.

Des frais à ses frais
A l'instar d'Aurélie T blogueuse et chercheuse d'emploi. Son histoire commence bien : elle a décroché un entretien pour un CDI. Ravie, elle s'offre un billet de TGV pour s'y rendre, sachant que Pôle emploi prend les frais de déplacement en charge. Raté : la structure a un accord avec la SNCF qui fournit directement les billets (sur présentation du formulaire biduleXP92, évidemment). Tant pis, elle se rend à son entretien. Mais elle n'est pas retenue pour le job. Quelques semaines plus tard, surprise : le Pôle la menace de ne plus rembourser ses frais pendant un an car elle n'a pas renvoyé le justificatif de ceux qui ne lui ont jamais été avancés. Vous suivez ?

Dur, dur de rentrer dans les cases...
L'erreur d'aiguillage se produit parfois dès le premier entretien, comme en témoigne Marie sur le forum du Monde.fr. Dans « Ma visite chez Paul Emploi » (elle l'appelle Paul, « notre ami à tous »...), elle raconte son premier contact avec sa conseillère : « Malgré mon désir incommensurable de l'aider à cocher les multiples cases d'un questionnaire destiné à me faire sortir des statistiques du chômage, ça bloque. Mon métier : j'avais proposé graphiste, mais non, il n'y pas de travail. Alors, correctrice, je sais faire aussi. La conseillère accepte, ouf ! ». Mais lorsqu'elle prononce les mots de « formation » et de « réseau », surprise de l'agent : « elle me regarde d'un air effaré et m'inscrit illico pour l'atelier "bidule" où on va m'expliquer comment rédiger un CV.» Et de conclure, « Tout cela coûte énormément d'argent, simplement parce qu'une société de plus en plus normative ne saurait répondre à ce qui fait la richesse et la diversité du peuple qui la compose. »

SMS à la masse
Prenons ce journaliste au chômage qui nous a raconté par mail cet épisode désopilant. Quinze ans de service dans la presse nationale et pas l'ombre d'une diversification dans un autre métier. Le 11 août dernier, il reçoit un SMS de la part de Pôle emploi. L'objet ? Un poste pile dans ses cordes : chef cuisinier dans un « restaurant de tradition » à 5 minutes de chez lui. Revenue de congé, sa conseillère Pôle emploi a bien ri de cette affaire qu'elle ignorait, car traitée automatiquement par voies informatiques (une offre tombe, la banque de données mouline et envoie ses petits SMS aux inscrits de la zone concernée). On rigole, mais on imagine la tête du bistrotier obligé de recevoir en entretien des pompiers, des comptables des sous mariniers ou des fondeurs, venus en touristes juste pour fournir la preuve qu'ils ont bien passé un entretien.

Agents mal informés
D'autres témoignages pullulent sur la Toile. Comme celle de ce garçon. Jeune diplômé débarqué sur le marché du travail, il n'a dans sa besace qu'un CDD de 4 mois lorsqu'il s'inscrit au Pôle emploi. Mais il connaît ses droits, apparemment mieux que son interlocuteur. Et en réclamant la prime de 500 euros auquel la loi lui donne droit, il se voit répondre. « Ah ça, monsieur, je ne connais pas, allez donc voir aux allocations familiales ». Evidemment, et selon les textes, c'est à Pôle emploi de régler cette affaire, c'est même écrit sur son site.

Visiblement, ce genre de bévue est suffisamment répandu, puisque Christian Charpy, le boss de la structure a promis la semaine passée de « communiquer » sur cette prime qui n'aurait touché que 3 300 personnes (c'est connu, la France est le seul pays au monde qui n'a que 3 300 jeunes chômeurs sans expérience). Sauf que, ce que le directeur de Pôle emploi entend par « communication », consiste avant tout à s'adresser aux jeunes pour les encourager à réclamer la prime. Au lieu de communiquer auprès de ses troupes.

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr - 14 septembre 2009

Charles Monnier © Cadremploi.fr

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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