Les femmes exceptionnelles restent chez elles

Sylvia Di Pasquale

Tous les hauts fonctionnaires sont beaux, sympas et archi-brillantissimes. Sinon, comment pourraient-ils attirer des femmes aussi exceptionnelles ? En tous cas, c’est ainsi qu’eux-mêmes qualifient leur moitié dans une enquête menée par le Centre d'études de l'emploi (CEE) sur ce monde à part qu’est la haute fonction publique. Et ce constat n’est pas le résultat d’un sondage téléphonique. Les enquêteurs s’en sont allés interroger personnellement 60 cadres à Bercy et dans d’autres ministères. Ceux-là même qui ont épousé ces créatures de rêve.

Un rêve peuplé de poussettes, de casseroles et de chasse à la poussière. Car ces messieurs l’avouent, pour qu’ils puissent se plier aux exigences de leur poste, « leur femme assume l’exclusivité des charges familiales et se sont désinvesti de la vie professionnelle. » Évidemment, et c’est tentant, on pourrait s’imaginer que nos énarques et science-potards ont des formations top qui leur permettent d’accéder à de chouettes postes. Des jobs bien meilleurs que ceux que leurs épouses pourraient convoiter. Au point que, pragmatiques, elles se sacrifieraient pour le bien du budget familial. 

Que nenni… elles sont aussi diplômées qu’eux, selon l’enquête du CEE. On les imagine donc, ces pauvrettes, contraintes de mener une vie de mère au foyer sous le joug d’un mari autoritaire. Sauf que les interrogés réfutent tout machisme. Si madame reste à la maison, c’est parce que « c’est son truc », « ça lui plaît », comme l’expliquent certains sondés. « Parce qu'elle a eu un deuxième enfant depuis et tout ça demande beaucoup de temps » poursuit tel autre.

Mais chassons vite cette vision rétrograde. Après tout, on ne parle que de quelques hauts fonctionnaires sûrement très âgés. Aujourd’hui, l’ère des nouveaux pères est advenue, le partage des tâches est acquis. Vraiment ? La conclusion de l’enquête indique que l’appartenance générationnelle a peu d’incidence sur cette (mauvaise) manière de concevoir le rôle de chacun. Elle rappelle encore que les femmes sont 54 % dans la fonction publique, mais seulement 26,5 % à des postes d’encadrement et de direction. Et elle finit par lapider tout sentiment d’optimisme en expliquant que « les hommes aux arrangements conjugaux égalitaires sont pénalisés ».

Heureusement, tout cela se passe dans les couloirs feutrés des ministères. Dans l’entreprise c’est totalement différent. Dans le privé, c’est connu, les femmes accèdent aux postes de direction comme les hommes. Elles gagnent autant qu’eux et quand le petit dernier fait ses dents, c’est indifféremment papa ou maman qui prend sa journée « enfant malade ». Et chacun se partage les tâches domestiques dans une parfaite harmonie. En 2014, il paraît qu’il en serait ainsi, dans toutes les entreprises du pays de Oui-Oui.

 
Sylvia Di Pasquale

Tags : Parité
Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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