Les footeux, des "transclasses" comme les autres ?

Sylvia Di Pasquale

À l’heure du Mondial de foot, on peut se poser la question. Comment un gamin issu d’un milieu populaire assume-t-il son transfert dans un tout autre monde, passant d’une planète populaire à une galaxie de multimillionnaires où, à l’instar d’un Karim Benzema, l’on empoche bon an mal an, 1 million d’euros chaque mois ? Si l’on en croit Vikash Dhorasoo, ancien footballeur international français qui en a fait l’expérience, le transfert n’est pas si compliqué. Il s’en  expliquait la semaine dernière dans cette émission : « Quand on arrive dans le foot, on se retrouve entre arabes et blacks. On est tous issus de milieux populaires. (sic)» Alors on se sent comme à la maison.

Le passage d’un milieu à l’autre semble bien plus compliqué dans le monde de l’entreprise L’ascenseur social n’y est pas plus facile à prendre, beaucoup moins même. Car contrairement aux footeux, on ne retrouve pas ses billes à chaque étage franchi. Patrick Bourdet, né dans la misère et aujourd’hui PDG d’Areva Med (une filiale médicale d’Areva) témoigne de son expérience dans un étonnant livre⁽¹⁾ qui vient de paraître. De la rue au bureau directorial, du CAP à HEC, il raconte son expérience de « transclasse » – ce nouveau terme pour désigner les rares personnes qui cassent l’ordre établi en changeant de classe sociale – et que la philosophe Chantal Jaquet a peaufiné dans son passionnant dernier ouvrage⁽²⁾. Patrick Bourdet évoque les paliers successifs de l’escalier social, « des paliers utiles puisqu’ils permettent de s’acclimater avant de continuer à grimper ». Il évoque les rencontres et la formation, grâce à l’entreprise. Et en se plongeant dans son parcours, on mesure ce qu’un homme comme lui peut apporter à la boîte qu’il dirige, à ses collaborateurs proches ou lointains, puisque les étapes qu’ils franchissent, les mondes d’où ils viennent, il en vient et les a vécus.

Alors on en revient encore et toujours à regretter le clonage qui perdure dans l’entreprise française avec ses comités de direction qui se reproduisent entre eux, dans le même monde, la même vision. Comme si le fils (qu'aura peut-être un jour) Karim Benzema avait la possibilité d’accéder à l’Équipe de France, non pas parce que c’est un grand buteur, mais simplement parce qu’il a grandi dans le milieu du foot.

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr

Dessin de Charles Monnier  © Cadremploi.fr

(1)   Rien n’est joué d’avance, Patrick Bourdet, Fayard, 2014. 

(2)   Les transclasses ou la non-reproduction, Chantal Jaquet, PUF, 2014

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Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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